Comités de vigilance FN

A Béziers, Robert Ménard sur le terrain des ultras

Libération, le 7/05/2014

REPORTAGE : Soutenu par le FN, le maire s’entoure de fidèles du Bloc identitaire.

De rage, d’aucuns jettent leur savate. Robert Ménard, lui, balance sa cravate. Il en avait pourtant sorti une belle en ce jour d’avril qui devait le voir propulsé à la tête de l’agglomération de Béziers, après avoir remporté la mairie (avec le soutien du FN) de la sous-préfecture de l’Hérault lors d’une triangulaire. Mais ceux qu’il appelle avec condescendance les «petits maires des villages» se sont rebellés. Et ont tout simplement fait de la politique en disant non à un maire d’extrême droite, indigne, à leurs yeux, de prendre la présidence d’une telle instance.

Résultat, c’est le consensuel maire sans étiquette de Sérignan, Frédéric Lacas, qui a été élu à la présidence de cette agglomération aux puissantes prérogatives. Très colère et menaçant, Robert Ménard a donc dénoué sa cravate à l’issue du scrutin, puis l’a jetée sur une table. «Vous avez trahi Béziers, vous avez voté contre votre ville», a-t-il lancé. Ce coup d’arrêt porté contre lui est le fruit d’un vote à bulletins secrets en application des textes. Mais Ménard a saisi le préfet pour l’invalider. Il a aussi menacé de quitter l’agglo. Sur place toute cette agitation prête à sourire. Le préfet de région, Pierre Bousquet de Florian, a ironisé sur les «postures» de Ménard. Il est quasi impossible d’obtenir le rattachement de Béziers à une autre agglo… 

«Rien à foutre». Ainsi va le «ménardisme» municipal en ce début de mandat : coup de menton un jour, coup d’éclat médiatique le lendemain et, surtout, gros coup de barre à droite toute. Désormais, les interlocuteurs de la ville de Béziers qui joignent le cabinet du maire tombent sur deux membres du Bloc identitaire. Durant sa campagne, Ménard s’était échiné à ne pas rendre trop visible le soutien du FN. Et voilà qu’à peine élu il confie les deux plus hauts postes politiques de la ville à des figures de l’extrême droite active et militante. Son directeur de cabinet, André-Yves Beck, est un idéologue ultra : ancien de Nouvelle Résistance (un groupuscule nationaliste révolutionnaire se réclamant du fascisme version anticapitaliste), il a été membre de Troisième Voie, a opéré en Croatie lors de la guerre en ex-Yougoslavie, puis a servi pendant dix-neuf ans les intérêts du maire d’extrême droite d’Orange, Jacques Bompard. Quant au chef de cabinet Christophe Pacotte, «marié et père de huit enfants» comme il aime à se présenter, il s’agit d’un ex-militant FN, membre du bureau directeur de Bloc identitaire (il en aurait démissionné mais figure toujours dans l’organigramme). Bienvenue à Béziers et aux entreprises que le maire prétend rameuter ! Ménard, lui, n’a «rien à foutre» de «ces histoires du passé» – qui n’en sont pourtant pas. Pourquoi choisir de tels pedigrees ? Ses deux plus proches collaborateurs «ont, selon lui , du talent, savent écrire et [l’]ont aidé durant la campagne». Alors…

En ce début de mandat, le trio a posé un marqueur. Le maire a annoncé, la semaine dernière, la mise en place d’un couvre-feu pour les moins de 13 ans, leur interdisant de circuler seuls dans certains secteurs de la ville entre 23 heures et 6 heures, du 15 juin au 15 septembre. Une mesure destinée à marquer les esprits et à effacer l’échec de Ménard à l’agglomération. «Un couvre-feu, mais où est la guerre à Béziers ? Moi, je viens d’un pays où ce mot-là à un sens», s’indigne Elie Aboud, député UMP de l’Hérault d’origine libanaise et opposant au conseil municipal. Il se dit très inquiet de voir sa ville «ternie par son image d’extrême droite, en train de se couper des investisseurs, des dotations et des subventions».Louis Aliot, numéro 2 du FN, a constaté hier sur France Culture que Ménard prend «à son cabinet des gens qui sont beaucoup plus, beaucoup plus radicaux que ne le sera jamais le Front national». Demain, Marine Le Pen sera en meeting à Béziers. Ménard assure qu’il n’ira pas, mais la recevra en mairie «si elle désire [le] rencontrer au même titre que n’importe quel autre élu qui le souhaiterait».

«Affichage». Autres mesures fortes décrétées lors du premier conseil municipal : une baisse des impôts locaux (2 millions de recettes fiscales à compenser dans une ville aux finances sinistrées), la diminution de 30% des indemnités des élus (5 176 euros quand même pour le maire et 1 174 pour ses adjoints), le recrutement de 10 policiers municipaux supplémentaires. «Tout cela relève de la communication et de l’affichage démagogique, dit Jean-Michel Du Plaa (PS), autre opposant. Robert Ménard n’est plus le candidat qui se voulait consensuel mais se radicalise pour masquer son échec à l’agglo.» Une (re)chute vers l’extrême droite propre à marginaliser à terme une ville déjà en grande détresse sociale.

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