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Note sur le Ghetto de Varsovie, Voyage de la Mémoire de l’UEJF, 2004.

Note sur le Ghetto de Varsovie,

Voyage de la Mémoire, 2004, Union des Etudiants Juifs de France :

Les populations juive d’Europe de l’Est ont été concentrées dans certains quartiers des villes : cette caractéristique a considérablement facilité la mise en pratique de la ghettoïsation décidée par les nazis. Le quartier juif devient l’emplacement désigné du ghetto.

Les ghettos apparaissent d’abord dans les territoires annexés, au cours de l’hiver 1939/1940, le premier ghetto important étant créé à Lodz en mai 1940, suivi par celui de Varsovie en octobre 1940.

 

I . LA CREATION DU GHETTO DE VARSOVIE

 

La mise en place du ghetto s’avère difficile et il ne faut pas moins d’un an pour la mener à bien. Elle s’effectue par étapes: début novembre 1939, les autorités d’occupation instituent une « zone de quarantaine », dans une partie de la vieille ville où habitent déjà de nombreux Juifs. Dès l’été 1940, elles font élever des murs dans les rues, isolant des pâtés de maisons à forte concentration juive. Ces tronçons de murs se rejoignent peu à peu, isolant des quartiers vers lesquels sont transférés autoritairement les Juifs expulsés des bourgs et des villages environnants.

A partir du 1er juillet 1940, il est interdit aux Juifs de s’installer ailleurs que dans le secteur ainsi délimité. Ils peuvent encore, toutefois, en sortir librement.

L’ordonnance du 16 octobre 1940 prescrit le transfert dans ce quartier des 138 000 Juifs de Varsovie habitant en dehors de ces limites et l’évacuation des 113 000 Polonais y résidant. Un mois plus tard, il est interdit aux Juifs de quitter le ghetto sans autorisation spéciale. Celui-ci est entouré de murailles d’allure médiévale. Il y a 28 points de passage – réduits à 15 en 1941 – et plus de 50 000 personnes obtiennent un laissez-passer. A chaque porte, se trouvent des membres du corps de police allemande de Varsovie, assistés de policiers polonais et des membres du service d’ordre juif (Judische Ordnungsdienst).

Le ghetto de Varsovie est presque coupé en 2 par une avancée aryenne qui s’enfonce entre la partie nord – la plus vaste – et la partie sud plus petite. Pour l’isoler complètement, il faut déplacer des lignes de tramway.

 

II . VIE ET MORT DANS LE GHETTO

 

L’effectif de la population du ghetto de Varsovie peut être chiffré avec une relative précision : aux 359 827 Juifs recensés à Varsovie en 1940, s’ajoutent en 1941 140 000 personnes évacuées de province. La population du ghetto totale est d’environ ½ million de personnes à l’été 1941.

C’est un groupe hétérogène : toutes les classes sociales et milieux professionnels y sont représentés ; on y trouve des Juifs ayant toujours vécu dans un milieu fermé et ne parlant que le yiddish, mais aussi des jeunes intellectuels qui ne s’expriment qu’en polonais ; des familles orthodoxes côtoient des militants communistes ou bundistes, et de jeunes sionistes. Pour les Juifs convertis au catholicisme mais contraint de vivre dans le ghetto en fonction de leur appartenance à la «  race juive » on aménage même 3 églises.

Le ghetto rassemble environ 1 500 maisons ou bâtiments divers, des immeubles-taudis le plus souvent, sans terrain libre, jardin ni espace vert. La promiscuité est extrêmement pénible, d’autant que les rues, toujours grouillantes de monde, sont étroites et obscures. Il n’y a ni éclairage ni égout. Des familles entières s’entassent dans des appartements minuscules, insalubres et malodorants. Dans de telles conditions d’hygiène défectueuse, aggravées par l’absence quasi totale de médicaments, les épidémies font rage : en 1941, une épidémie de typhus cause la mort de plus de 15 000 victimes. Mais surtout les habitants du ghetto souffrent atrocement de la faim qui les tenaille en permanence. Il s’agit là d’une politique délibérée de la part des autorités allemandes qui ne prévoit qu’une ration alimentaire de 900 calories par personne, pour une « population dont le travail ne vaut pas la peine d’être pris en considération ». Le prix des denrées ne cesse d’augmenter et se procurer du pain et des pommes de terre devient quasiment impossible, dans de nombreux cas les épluchures étaient vendues. De nombreux enfants qui réussissaient à passer par les petites fentes du mur, ont été tués parce qu’ils essayaient de trouver de l’autre côté du mur de quoi nourrir leur famille.

 

 

III . STRUCTURES IMPOSEES ET INITIATIVES AUTONOMES

 

Par une ordonnance en date du 21 septembre 1939, Heydrich enjoint les dirigeants des communautés de Pologne, les Kehillot, de constituer des Conseils juifs (Judenräte) habilités à représenter leurs coreligionnaires face aux autorités d’occupation. Un décret de Hans Frank, en date du 28 novembre 1939, précise que ces Judenräte devront être composés de 12 à 24 membres selon l’importance de la communauté. Ils auront pour tâche de veiller à « l’approvisionnement des vivres, l’obligation du travail, l’hygiène et l’aide sociale ». Pour remplir ces fonctions, ils auront le droit de se faire assister par un service d’ordre – connu généralement sous le nom de « police juive ». Les dirigeants des Judenräte participent à la tâche imposée par les nazis. Ils lèvent des impôts pour entretenir les hôpitaux et veiller aux questions sanitaires et médicales. Ils organisent un embryon d’enseignement primaire – seul autorisé dans le ghetto – et des cours de formation artisanale. Ils fournissent les bataillons de main-d’œuvre exigés par l’occupant et mettent en place des ateliers où des lots de matières (textiles, cuirs…) attribués par les Allemands sont transformés pour les besoins de la Wehrmacht par les artisans et ouvriers du ghetto. Ils ont autorité, en principe, sur la police juive, souvent brutale et haïe par les habitants.

Jusqu’en 1941 au moins, la résistance des Juifs des ghettos n’est qu’embryonnaire et il n’y a guère d’alternative à la position des membres des Judenräte. Toutefois, une organisation spontanée commence à s’édifier. Des comités de maison s’organisent pour aider les plus misérables et, avant tout, les enfants abandonnés à eux-mêmes. Des mouvements de jeunesse regroupent les adolescents. Un enseignement clandestin est mis en place et même une « académie de médecine ». Des manifestations culturelles sont organisées, apportant réconfort et espérance aux habitants des ghettos.

 

 

IV . LA REVOLTE DU GHETTO DE VARSOVIE

 

Les déportations des Juifs du ghetto de Varsovie commencent en août 1942. Au début, il part environ 6000 personnes/jour puis 10 000. Le ghetto est peu à peu décimé. L’Organisation Juive de Combat (OJC) voit le jour fin juillet 1942. Mordekhaï Anielewicz, membre de Hachomer Hatzaïr devient le commandant en chef du mouvement. A l’automne 1942, l’entente est pleinement réalisée entre les différents groupes juifs. Composées de jeunes hommes et femmes sûrs, entraînées depuis longtemps à l’action clandestine, les unités déterminées à se battre et prêtes à tous les sacrifices.

Le problème des armes est bien entendu crucial. Bien que tout contact soit en principe interdit entre les habitants du ghetto et l’extérieur, certains parviennent à se glisser hors des murs d’enceinte pour acheter – souvent fort cher – quelques revolvers, qu’il faut ensuite introduire clandestinement dans le ghetto, avec tous les dangers que cela comporte. Bien que souvent réticente, la résistance polonaise fournit également quelques armes. Le reste sera pris aux soldats de la Wehrmacht, après le début de l’insurrection.

Les premiers affrontements ont lieu le 18 janvier 1943, lorsque des jeunes combattants de l’OJC lancent des grenades sur des colonnes de soldats allemands venus procéder à une nouvelle déportation. Les nazis doivent repenser leurs plans. Il leur faut trois mois pour passer à la phase ultime qui doit aboutir à la liquidation du ghetto de Varsovie. Cette mission est confiée au général SS Jurgen Stroop, qui dispose pour cela de forces considérables : 1000 hommes de l’armée blindée, 1000 hommes de la cavalerie SS, 2 unités d’artillerie, un groupe de pionniers de l’armée et une unité de la police de sécurité (SIPO). Il a également à sa disposition des unités de la police lituanienne et polonaise.

Stroop prévoit de lancer l’opération le 19 avril 1943, jour anniversaire de naissance de Hitler. Malgré le déséquilibre des forces en présence, la lutte se poursuit, l’OJC utilisant toutes les ressources du combat de rue. Et Stroop lui-même est obligé de reconnaître ses difficultés. Pour en finir, Stroop fait incendier le ghetto, maison par maison. Le 8 mai 1943, tombe le quartier général de l’OJC, situé au 18 rue Mila. La plupart de ceux qui s’y trouvent aux côtés d’Anielewicz y trouvent la mort – soit au combat, soit en mettant fin à leurs jours. Certains parviennent toutefois à se diriger, à travers les égouts, vers une issue située de l’autre côté du mur. De petits groupes subsistent dans le ghetto jusqu’à l’été 1944.

A la fin des combats du printemps 1943, Stroop note dans son rapport : « Il n’existe plus de quartier juif à Varsovie ».

 

Source : Civilisation du judaïsme ashkénaze – Anne Grynberg.

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