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Un nouvel antisémitisme prospère, les vieux préjugés d’extrême droite aussi

Qui véhicule le plus de préjugés contre les Juifs ? Les résultats d’une double enquête d’opinion semblent confirmer l’hypothèse d’un “nouvel antisémitisme” dans la population musulmane, et battre en brèche l’idée d’une “normalisation” chez les sympathisants du FN.

La Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), un think tank d’obédience libérale, a rendu publics vendredi de “nouveaux éclairages” sur “l’antisémitisme dans l’opinion publique française”.

Ils proviennent de deux enquêtes Ifop menées pour vérifier les hypothèses du rapport de Jean-Christophe Rufin sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, remis en 2004.

Ce document notait, selon la Fondapol, “une diminution du rôle de l’extrême droite dans la responsabilité des violences antisémites et, en revanche, une augmentation de celui d’une frange de la jeunesse issue de l’immigration”.

Dix ans plus tard, “ce qui est confirmé par rapport au rapport Rufin, c’est l’émergence et l’affirmation d’un nouvel antisémitisme qui s’apprécient parmi les musulmans vivant en France“, a indiqué à la presse le directeur général de la Fondapol, Dominique Reynié.

Mais “cette enquête met fin pour moi à l’idée d’un parti qui s’est normalisé”, ajoute le politologue, pour qui “les sympathisants du FN et ses électeurs ressemblent davantage au discours du fondateur du parti qu’au discours plus policé que sa nouvelle présidente s’efforce de mettre en scène”.

Ainsi, 53% des proches du FN et 49% des électeurs de Marine Le Pen en 2012 déclarent vouloir éviter un président de la République juif, contre 21% dans l’ensemble de l’échantillon. Et ils sont plus de deux fois plus nombreux que la moyenne (29% contre 12%) à ne pas être d’accord avec l’affirmation selon laquelle “il est important d’enseigner la Shoah aux jeunes générations afin d’éviter que cela se reproduise”.

La Fondapol relève en outre que “les musulmans répondants sont deux à trois fois plus nombreux que la moyenne à partager des préjugés contre les Juifs”, tout en notant que “la proportion est d’autant plus grande que la personne interrogée déclare un engagement plus grand dans la religion”.

Ainsi, 43% des Français déclarant seulement une “origine musulmane” jugent que “les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance” (25% dans la société française), contre 69% chez les croyants et 74% des pratiquants.

Troisième “point d’incandescence”, mais à un moindre degré, selon la Fondapol: “la mouvance du Front de gauche”, au sein de laquelle “les préjugés contre les Juifs sont plus répandus” que chez l’ensemble des Français.

– “Pas de phénomène négationniste” –

Plus globalement, “il y a des opinions antisémites dans la société à un niveau que je trouve important”, commente Dominique Reynié.

Le directeur de la Fondapol prend ainsi ses distances avec d’autres analyses, notamment celles de sa consoeur de Sciences Po, Nonna Mayer, et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), pour lesquelles les opinions hostiles aux Juifs ne progressent pas, à la différence des actes antisémites, qui ont presque doublé sur les sept premiers mois de l’année par rapport à 2013.

En revanche “il n’existe pas dans l’opinion un phénomène négationniste”, se félicite le politologue, seul 1% de l’échantillon qualifiant d'”invention” le nombre de 6 millions de morts juifs lors de la Shoah.

Enfin, l’antisémitisme trouve des relais dans un “trio formé par les réseaux sociaux, les forums de discussion et les sites de partage de vidéos”, note la Fondapol, qui l’a vérifié dans l’analyse comparée des jugements sur l’affaire Dieudonné.

Dieudonné M'bala M'bala au Théâtre de la Main d'or le 11 janvier 2014 © Alain Jocard AFP/Archives

La première enquête Ifop a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 26 au 30 septembre auprès d’un échantillon de 1.005 personnes représentatif des Français âgés de 16 ans et plus; la seconde a concerné 575 personnes de 16 ans et plus déclarant être nées dans une famille musulmane, et interviewées du 4 au 9 octobre, dans la rue “pour obtenir un groupe d’une meilleure qualité” selon Dominique Reynié.

L’universitaire reconnaît toutefois que ce sous-ensemble ne constitue pas un échantillon. “Il n’est pas possible d’avoir une France musulmane en petit”, a-t-il regretté.

14/11/2014 19:58:11 – Paris (AFP) – Par Benoît FAUCHET – © 2014 AFP

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