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On parle trop de la Shoah et pas assez de l’esclavage

On parle trop de la Shoah et pas assez de l’esclavage

Comité de Réponse – Universités en ligne de l’Union des Etudiants Juifs de France

Avec le soutien du L.A. Pincus Fund.

On entend souvent dire que l’on parlerait plus de l’esclavage dans l’espace public si l’on parlait
moins de la Shoah.

Cet argument est lourd d’insinuations. S’il existait une telle concurrence mémorielle, alors les Juifs et les Noirs seraient en confrontation sur le mode d’une prétendue concurrence victimaire. Les deux communautés auraient donc intérêt à faire valoir chacune plus que l’autre la « légitimité » de son engagement mémoriel. Une telle concurrence tendrait à installer un régime de relativité entre les mémoires, de sorte que la mémoire d’un génocide serait in fine plus un faire valoir agité dans un objectif communautaire qu’un objet universel émanant de l’Histoire
universelle.

Car en effet, la Shoah n’est pas seulement l’affaire des Juifs. Et l’esclavage l’affaire des Noirs. Il y a de l’universel dans la mémoire des génocides. L’universel signifie qu’un génocide vient signifier quelque chose de fort même pour les personnes qui ne s’identifient à aucune filiation les reliant au peuple visé par les génocidaires. La Shoah fait en effet événement non seulement dans l’histoire juive, mais aussi dans l’histoire universelle, en tant que pour la première fois fut mise en oeuvre la volonté de réduire à néant un peuple, au moyen des dispositifs produits par la grande industrie et pilotés de façon bureaucratique. De la même façon, l’esclavage, ou le génocide arméniens, loin d’être l’affaire de communautés, constituent des événements à l’échelle de l’histoire de France et de l’histoire humaine qui ne laissent d’interroger sur le plan universel la condition humaine.

L’argument est donc retord. Sa logique profonde est perverse, son fonctionnement est biaisé : ce n’est pas parce que l’on parle plus de la Shoah que l’on parle moins de l’esclavage. Il n’y a pas dans l’espace public un gâteau mémoriel dont les parts devraient être distribuées entre les
différentes mémoires ou les communautés pour leurs mémoires respectives. Il n’y a pas d’espace de parole qu’il appartiendrait aux tenants des mémoires particulières de se partager entre eux.

Au contraire, la place de la mémoire dans une société constitue l’enjeu d’un combat commun entre les porteurs de mémoire. Loin d’être en concurrence, les porteurs de mémoire partagent la volonté de garantir la place de la mémoire dans l’espace public et dans la société civile. Les porteurs de mémoire ont entre eux beaucoup à partager. C’est pourquoi, prenant le contre-pied des polémistes arguant de cette prétendue concurrence des mémoires, l’UEJF a formalisé et mis en oeuvre l’idée d’un dialogue des mémoires. En 2006, elle organisait en effet un voyage au Rwanda, qui l’a conduit sur les traces du génocide des Tutsi, et auprès de survivants et d’associations de rescapés. Depuis, l’UEJF est partenaire chaque année de la commémoration du génocide, en partenariat avec Ibuka France, et se bat à ses côtés pour que les Tutsi obtiennent un lieu de mémoire digne dans les rues de Paris.

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