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Nous ne nous laisserons plus insulter!

Le 25 avril 2014, un site d’information révélait que Donald Sterling, propriétaire du club de basketball des Clippers de Los Angeles, tenait des propos racistes à l’encontre des Noirs.

Le 29 avril 2014, après une indignation devenue générale aux Etats-Unis – chez les joueurs, les personnalités de la communauté afro-américaine et jusqu’au président Obama -, la NBA décidait notamment du bannissement à vie de Sterling, d’une lourde amende à son encontre et d’une interdiction à assister aux matchs et aux entraînements des Clippers.

Il y a quelques heures en France, l’entraîneur de l’équipe de football des Girondins de Bordeaux, l’ancien international Willy Sagnol, tenait des propos d’une extraordinaire violence, reprenant la bonne vieille imagerie raciste de l’Africain cantonné à des qualités physiques, tandis que l’on devait comprendre de ses propos que les « Nordiques » étaient, eux, doués pour la technique, l’intelligence et la discipline. Cerise sur le gâteau, cet entraîneur ajoutait qu’il veillerait à limiter le nombre d’Africains dans l’équipe de Bordeaux.

Cette sortie outrancière, mêlant les effluves d’une vision raciste à la revendication d’une pratique discriminatoire, a donné lieu à des réactions pour le moins surprenantes et à des non-réactions bien peu glorieuses.

Dans la presse, ces propos ont de façon régulière été qualifiés de « polémiques » ! L’expression du racisme, une simple polémique parmi d’autres ?

Quant au club et aux instances du football, leurs réactions ont alterné entre le soutien à Willy Sagnol (dont son club, qui nous apprend que Willy Sagnol est en colère alors que nous pensions naïvement que c’était aux personnes d’origine africaine et ultra-marines de se sentir offensées par la charge de ce monsieur), la réaction gênée (dont celle de la F.F.F, dont on aurait pu espérer qu’elle s’autosaisisse sans délai de cette affaire) et l’absence de réactions de la L.F.P et des responsables politiques.

Dans un pays qui marcherait sur ses pieds, Willy Sagnol se serait excusé (une fois sa colère passée, certes) et aurait été sanctionné par les instances du football et désavoué par les responsables politiques.

Mais voilà, il se trouve que nous vivons cette époque sombre dans laquelle le racisme peut s’exprimer par la bouche d’individus qui trouvent des alliés, tandis que ceux qui sont frappés par de tels propos sont appelés à ne pas créer d’inutiles et malveillantes « polémiques », bref, à baisser la tête face à l’insulte faite à eux mais également à une conception de la République et du vivre ensemble.

Parce que nous pensons que le vivre ensemble ne peut être fondé que sur le respect mutuel et la lutte contre les logiques de racisme et de discrimination, nous demandons que Willy Sagnol soit sanctionné à la hauteur de la gravité des propos qu’il a pu tenir. Car les excuses ne suffisent pas en de pareilles circonstances. L’expression de propos racistes relève du délit qu’une simple excuse ne saurait effacer. Imagine-t-on qu’un voleur de scooter pourrait se contenter, une fois son geste commis, de le rapporter à son légitime propriétaire et de s’excuser de son méfait pour échapper à la rigueur de la loi ? Imagine-t-on un supporter effectuant un salut nazi en plein match s’en sortir par la simple excuse d’avoir tendu le bras trop haut ? Bien évidemment, en aucun cas.

Vouloir étouffer cette affaire et la perdre dans un grand ventre mou dont nous avons malheureusement l’expérience ces dernières années dès lors qu’il s’agit de l’expression du racisme ? Pas cette fois ! Sauf à dire qu’une personnalité qui a accès aux médias pourrait tenir des propos en toute impunité, ce qui ne ferait que renforcer la banalisation d’une parole raciste qui s’est en quelques années installée dans l’espace public comme une expression désormais légitime et sensée.

Alors,

Mesdames et messieurs des instances du football,

Mesdames et messieurs qui avez aujourd’hui des charges publiques qui doivent vous amener à faire vivre les valeurs de la République,

Nous attendons vos paroles et vos actes.

Signataires :
Dominique SOPO, Président de SOS Racisme
Louis-Georges Tin, Président du Cran
Claude Boli, sociologue du sport
Radu Mihaileanu, cinéaste
David Gakunzi, journaliste et essayiste
Pierre Bergé, entrepreneur
Serge Romana, président de CM98
Viviane Romana, conseillère régionale d’Ile-de-France
Naima Charai, présidente de l’ACSE
Yamina Benguigui, réalisatrice
Jacques Martial, président du Parc de La Villette

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