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Le président de l’association explique dans une tribune au « Monde » pourquoi il juge la discussion nécessaire, en dépit des reproches qu’il adresse aux militants de la cause palestinienne.Publié le 01 mai 2024 à 19h00 Temps deLecture 3 min. Depuis le 24 avril et votre première occupation, à Sciences Po, puis à la Sorbonne et dans d’autres campus en France, je ne cesse de chercher les mots pour vous faire comprendre à vous, étudiants mobilisés pour la Palestine, qu’ensemble nous devons faire mieux que cette agitation qui ne fait avancer que la colère et la haine. J’essaie de vous entendre, comme j’espère que vous essaierez de me lire. Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Les mobilisations des étudiants pour un cessez-le-feu à Gaza se multiplient en France Comme vous, je crois à la force de la mobilisation étudiante. Nous avons pour responsabilité de nous lever face aux injustices. Parce que beaucoup de nos aînés voudront toujours nous faire taire, toute forme de mobilisation me semble légitime tant qu’elle est non violente. J’y crois tellement que, lorsque j’étudiais à Sciences Po, j’ai participé aux blocus de l’école. Durant deux nuits, j’ai dormi dans l’amphi Boutmy, obtenant par ce biais l’introduction dans les statuts de Sciences Po d’une représentation étudiante au conseil d’administration. Parce que je crois, comme vous, à la force de la voix étudiante pour changer la société, toute forme de répression du mouvement étudiant me fait peur. Je ne me réjouirai jamais de voir des CRS pénétrer dans un campus. Comme vous, je suis indigné Le fait que cette mobilisation porte sur le sort des Palestiniens n’y change rien. Comme vous, je pleure en voyant les images de Gaza. Comme vous, je suis rebuté et indigné par les propos de certains responsables politiques israéliens que je qualifie sans sourciller d’extrême droite. Le Monde Ateliers Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Découvrir Plus que tout : je crois au dialogue. Les grandes avancées sociales en France ont toujours été le fruit de la mobilisation et aussi du débat. Droits de l’homme, Front populaire, décolonisation, abolition de la peine de mort, instauration du mariage pour tous : toutes sont dues à la mobilisation militante, mais aucune ne s’est faite en tentant de faire taire ses adversaires. En revanche, je vous en veux pour d’autres actes, d’autres paroles, que je ne peux pas admettre. D’abord, pour votre incapacité à dénoncer clairement l’antisémitisme, pour votre attitude qui laisse planer une méfiance menaçante sur nous, étudiants juifs. Votre perméabilité à l’antisémitisme permet à certains d’affirmer que vous êtes l’unique danger, et donc que l’extrême droite serait la solution pour ramener l’ordre. Instrumentalisation de votre cause Je vous en veux aussi d’accepter l’instrumentalisation de votre cause par La France insoumise. Ne voyez-vous pas qu’ils ne vous soutiennent que par pur intérêt électoral ? Vous êtes l’instrument d’une méthode classique : décrédibiliser ses adversaires – ici, les étudiants juifs – pour s’autoriser à refuser le débat et la remise en cause. En applaudissant Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan, Aymeric Caron, Antoine Léaument et Thomas Portes, vous trahissez le principe d’indépendance du mouvement social et acceptez que les juifs soient jetés en pâture. Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés La cause palestinienne, la stratégie électorale à double tranchant de La France insoumise Je vous en veux aussi d’avoir dévoyé la cause palestinienne. En 2001, au moment de la seconde Intifada, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) se définissait comme « sioniste et propalestinienne ». Je me dirai propalestinien quand vous scanderez « 2 peuples 2 Etats » plutôt que « from the river to the sea » et « global Intifada » [« du Jourdain à la Méditerranée » et « mondialisons l’Intifada »], quand vous ferez des signes de paix plutôt que d’arborer fièrement des mains recouvertes de rouge, quand vous demanderez également la libération des otages. Je ne peux supporter que l’on appelle à la destruction de l’Etat d’Israël. Lire aussi le reportage | Article réservé à nos abonnés En Israël, les familles des otages craignent que leur cause soit oubliée Et ma dernière raison de vous en vouloir, c’est de m’essentialiser : parce que je suis juif, vous m’accusez d’être « complice de génocide ». Oui, je suis sioniste, je défends la légitimité d’Israël. Comme d’autres avant moi. Léon Blum, instaurant les congés payés, Pierre Mendès France, lançant la décolonisation de l’Indochine et de la Tunisie, Robert Badinter, abolissant la peine de mort, Simone Veil, autorisant l’IVG, René Cassin, rédigeant la Déclaration universelle des droits de l’homme : tous ces militants que nous apprécions ensemble, tous, ont affirmé leur attachement à l’existence de l’Etat d’Israël. Les qualifiez-vous, aujourd’hui, de complices de génocide ? Lire aussi | Manifestation propalestinienne à Sciences Po Paris : la direction de l’établissement annonce un accord avec les manifestants En réalité, vous le savez, il n’y a pas de génocide à Gaza. Vous déformez les faits, faisant passer la violence de la guerre pour une volonté d’annihilation d’un peuple. Et vous déformez la justice internationale, qui n’a, contrairement à ce que vous dites, jamais qualifié l’attitude israélienne de génocidaire. Plutôt que de nous entre-déchirer, nous avons le devoir de trouver la voie du dialogue. La confrontation entre juifs et propalestiniens ne sert que l’extrême droite. Pendant que nous nous opposons avec bruit et fureur, celle-ci, elle, se rapproche chaque jour un peu plus du pouvoir. Lire l’analyse | Article réservé à nos abonnés « Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné » : le conflit israélo-palestinien mis à nu Samuel Lejoyeux préside l’Union des étudiants juifs de France. Vendredi 3 mai, l’UEJF tiendra, de 10 heures à 18 heures, sur la place de la Sorbonne, à Paris, une « table du dialogue » ouverte à tous pour débattre du conflit au Proche-Orient. Samuel Lejoyeux (président de l’Union des étudiants juifs de France)