Procès Mireille Knoll : compte rendu d’audience par Lévana Ederhy et les militants de l’UEJF

Procès Mireille Knoll : Compte rendu d’audience par Lévéna Ederhy et les militants de l’UEJF de 10h à 12h30, Cour d’assises, Ile de la Cité 

10h Début de l’audience :

—Monsieur Alexandre Knoll, petit-fils de Mireille Knoll, est appelé à la barre pour témoigner.

Il qualifie sa grand-mère d’épicurienne, une profiteuse de la vie, tout en étant fragile et innocente. Elle ne connaissant pas le mal. Il cite « nous allons devoir vivre avec ça toute notre vie ». Il se qualifie de juif, mais « non croyant et non pratiquant. »

Il présente beaucoup de rage selon ses dires, mais « a confiance en la justice de notre pays ». Si la Cour d’assises ne rend pas une décision assez satisfaisante pour les parties civiles, il se dit « prêt à se battre jusqu’au bout. »

Mireille Knoll elle-même revendiquait fièrement ses origines juives, malgré qu’elle ne soit pas pratiquante.

Pour le prévenu, Yacine Mihoub, Mireille Knoll était « une grand-mère de substitution », ce à quoi Alexandre Knoll répond qu’ils ont différentes façons de raisonner.

Sur la question du mobile antisémite : Mireille Knoll ne cachait aucunement sa judéité, qui ressortait de ses bibelots et de la mézouza à l’entrée de son appartement, des vitrines immenses dans son salon avec des chandeliers, des textes en hébreu. Il était impossible d’ignorer son judaïsme. D’autant que Yacine fréquentait depuis petit son appartement, puisque sa mère habitait dans le même immeuble au 7e étage. 

10h30 : Questions de l’avocat général à Alexandre Knoll :

Avocat Général : Pouvez-vous parler de votre arrière grand-mère ?

A.K—> C’était Sarah, mère de Mireille Knoll, arrière grand-mère maternelle d’Alexandre Knoll, décédée en 1985. Il n’aura connu Sarah que 3 ans. 

Avocat Général : Parliez-vous souvent de la guerre ? C’était quelque chose de présent, ancré dans l’histoire familiale ou alors était-ce complètement refoulé ?

A.K —>  Mon grand-père ne voulait pas qu’on oublie l’horreur que toute la famille a vécu. Je me considère comme un rescapé du fait des horreurs qu’ont vécu ma famille. 

10h35 : Lecture des expertises psychiatriques par Franck Zientara, Président de la Cour d’assises.

Expertise psychiatrique de la mère de Yacine Mihoub, Zoulikha K.  Zoulikha K. a changé trois fois de version pour finalement reconnaître que les suspects étaient bien montés chez elle après le meurtre. 15 traces de sang ont été découvertes à son domicile.

Femme de 59 ans, mise en examen pour avoir nettoyé le couteau du crime.

Sur le plan médicamenteux :  

—> traitement neuropsychiatrique : paroxétine (ISRS), Xanax (anxiolytique), zopiclone (imovane).

Sur le plan clinique : 

—> Absence de propos à mécanismes interprétatifs délirants. La thymie (l’humeur) est stable et neutre. Sans antécédents de troubles majeurs, ni de troubles de l’humeur, ni de la mémoire.

Toutefois, est notée une symptomatologie dépressive réactionnelle. Pas de schizophrénie notée. Pas d’hospitalisation nécessaire. Mémoire fonctionnelle notée mais de qualité moyenne. Durant l’entretien avec le psychiatre, un regard très fuyant, pas de contact visuel avec le psychiatre. Une stratégie d’évitement nette.

Traits hystériformes discrets, avec un arrière plan anxieux.

Mise en invalidité, ne travaille plus et perçoit l’AAH (allocation aux adultes handicapés). Impossibilité de penser son fils meurtrier de « Madame Mireille ».

A jeté la bouteille d’alcool pour empêcher son fils de continuer à boire. Elle rejette la faute du meurtre sur « l’autre », c-à-d  Alex Carrimbacus, 22 ans, le second prévenu. 

Toutes ces descriptions cliniques ont été relaté par le Dr en psychiatrie Roland Coutanceau.

11h : Audition de Xavier Frandon, 42 ans, directeur pénitentiaire, référent SPIP de Yacine Mihoub. Les SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) sont des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire française ayant pour objet la prévention de la récidive.

Sont à noter : Un casier judiciaire déjà bien rempli du prévenu (agression sexuelle sur mineure, déclaration de fausse alerte à la bombe), « des entretiens très compliqués avec Monsieur Mihoub » car était très souvent alcoolisé durant les entretiens et une obligation de soins en psychiatrie qui n’a pas été respecté. 

En effet, Yacine M. a été libéré en novembre 2017 après une condamnation pour agression sexuelle sur mineure, des faits qui s’étaient déroulés dans l’appartement même de Mireille Knoll. A ce titre, il lui est interdit de fréquenter cet immeuble du XIe arrondissement, élément qu’Alain Knoll, fils de Mireille Knoll, ignorait.

Relation avec la religion : Dans un contexte post-attentat de Charlie Hebdo, Yacine M profère un discours incohérent : d’un côté il dit respecter toutes les religions et de l’autre il cautionne les attentats. En effet, en 2015, alors qu’il se trouve en détention à Fleury-Mérogis, le jeune homme, alors âgé de 25 ans, commet sur le mur de sa cellule des dégradations faisant l’apologie des attentats de janvier 2015.  En effet, il avait inscrit sur les murs de sa cellule : « Les frères Kouachi [auteurs de la fusillade meurtrière au siège de Charlie Hebdo] ne sont pas morts pour rien. »

Le cas de Yacine M. est vécu comme un échec pour Monsieur Xavier Frandon qui n’a pas réussi à réinsérer le prévenu dans la société.

12h30 : Fin de l’audience.

COMPTE-RENDU AUDIENCE à partir de 13h30, par Ethan Azeroual: 

Expertises psychiatriques rendues par le Docteur Roland Coutanceau.

Yacine Mihoub : pas de troubles psychiatriques avérés. Pas de troubles dépressifs. Pas de remise en question possible sur le plan psychiatrique, sauf éventuellement sur l’addiction.

Le psychiatre décèle une personnalité avec une difficulté à contrôler sa violence, un passage à l’acte assez facile, des réactions excessives notables.

Un profil assez narcissique, qui projette la faute sur les autres et les accuse.

Sur le plan de la responsabilité pénale : 

Rapport psychiatrique : Sur le plan clinique, pas de pathologie mentale. Pas non plus d’effet de la consommation d’alcool ou de stupéfiants, puisque son récit est très précis : le prévenu est conscient et vigilant.

Une responsabilité pénale pleine et entière, pas d’altération du discernement, prévu à l’article 122-1 du Code pénal : « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

Cependant, bien que le discernement ne soit a priori, pas altéré, on ne peut pas déduire de l’examen s’il était antisémite ou non.

Il évoque un départ en Syrie pour le Jihad, et que son intention de partir serait la faute des soignants.

Il était apparemment content après le meurtre. L’alcool n’a pas modifié son consentement.

« Pas d’oseille à se faire », phrase de Yacine envers Alex.

Expertise psychiatrique d’Alex Carrimbacus :

Aurait porté deux coups de couteau.

Profil :

N’accepte généralement pas la soumission. Personnage cohérent. Pas de soucis psychiatriques avéré. Consommateur de substances psychoactives dont le crack et le solutex, mais sans effets psychiatriques à long terme. Une simple évocation de possibilité de « pseudo hallucinations ». Aucun problème de dépression. Le psychiatre note toutefois une personnalité problématique, mais sans aucune psychose avérée.

Problème de dépendance, avec un manque de maturité notable, cependant une intelligence normale. Serait sous curatelle pour l’utilisation de son argent.

Est décelé un trouble du caractère avec une certaine fragilité identitaire. Tendance à la victimisation, et à la frustration malgré l’absence de pathologie mentale.

Se trouverait dans un état limite, or raisonne normalement.

Alex Carrimbacus aurait porté deux coups de couteau à Mireille Knoll, pour ensuite « aller vomir dans les toilettes » de la victime. Dit avoir voulu aller se rendre au commissariat, pour finir se raviser et aller chez sa mère. Le docteur peut établir la responsabilité pénale pleine et entière. Aux dires du médecin, les deux victimes n’ont aucune bonne volonté et ne chercheront pas à changer.

Le ressenti d’Ethan Azeroual à la fin de l’audience de 13h30 :

Au sujet d’Alex Carrimbacus : « Un garçon qui a un passé rempli d’antécédents, qui a baigné dans la violence. La mère d’Alex (qui a témoigné à la barre) semble être une mère dépassée par les événements et par les actes de son fils, qui a délaissé son enfant à sa majorité. La mère n’a jamais parlé à Alex de son père. Impression qu’Alex a été embrigadé par son ami Yacine. Les deux ont beaucoup de rancoeur. Des accusés qui ne paraissaient que très peu concernés par les témoignages qui se succèdent à la barre. Yacine avait l’air complètement désintéressé, et regardait de temps en temps en direction du procès. Les deux prévenus ne se remettent jamais en question, et une grande tendance à accabler les gens afin de ne pas assumer leurs propres méfaits »

Au sujet de Yacine : « Yacine a été en prison pour cause d’agression sexuelle dans un salon de massage, et qu’après être sorti de prison, il est retourné devant ce salon de massage pour y jeter des pierres sur la vitre ». On parle ici d’acte de vandalisme, réprimé par le Code pénal à l’article 322-1 : « La destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. » Ceci traduit un comportement de délinquant récidiviste, L. Ederhy

En définitive : les prévenus sont incapables de se remettre en question et on relève chez eux une tendance systématique à projeter la faute de leurs méfaits sur les autres. Ils sont dictés par leurs pulsion selon l’expert psychiatre. Selon Ethan Azeroual, le prévenu est intelligent et sait jouer de ses mécanismes de manipulation pour arriver à ses fins ».

Le ressenti de Tiffany Journo à la fin de l’audience de 10h :

« Le témoignage du petit-fils (Alexandre Knoll) était très émouvant, on a vraiment ressenti l’émotion qui le traversait . J’ai été un peu surprise par son discours, ne m’attendant pas à ça. Par la suite on voyait bien qu’il y avait un enjeu de qualifier si oui ou non le meurtre a un mobile antisémite. En cela, on l’a ressenti quand le référent SPIP parlait des clichés que le prévenu avait sorti sur les religions, et notamment lorsque l’avocat de la partie civile avait demandé quels étaient les propos portés sur les juifs. Par la suite l’avocat de la défense en a profité pour demander les clichés retenus ou non sur les musulmans »

Compte-rendu d’audience rédigé par Lévana Ederhy, avec les appuis des témoignages de Tiffany Journo et d’Ethan Azeroual.

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