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INTERVIEW – À la tête de l’Union des étudiants juifs de France, il espère que les attentats ont fait prendre conscience de la gravité de la situation.
Depuis 2014, Sacha Reingewirtz préside l’Union des étudiants juifs de France (UEJF). Enfant d’une «famille française et juive depuis quatre siècles, établie en Moselle», il ne veut pas céder à l’inquiétude face aux attentats de Copenhague et Paris et s’emploie à combattre l’antisémitisme en intervenant auprès de collégiens. Le 22 février, l’UEJF1 organise les premières assises de la lutte contre la haine sur Internet à l’ESCP Europe Paris (//goo.gl/forms/
LE FIGARO. – Après les attentats à LE FIGARO. – Après les attentats à Copenhague ce week-end22, vous êtes-vous dit, comme tout le monde: «Cela , vous êtes-vous dit, comme tout le monde: «Cela recommence!»?
Sacha REINGEWIRTZ. – Sacha REINGEWIRTZ. -C’est à la fois consternant et terriblement limpide. Le même mode opératoire – une double attaque contre la liberté d’expression et contre la communauté juive – et la même logique de haine sont à l’œuvre. Le terrorisme a frappé la France ; aujourd’hui, il vise une autre capitale européenne mais est aussi présent dans de nombreux pays musulmans. Nous avons affaire à une longue guerre d’usure qui fera, malheureusement, d’autres victimes. Elle nous oppose à ceux qui veulent imposer leur vision du monde étriquée et archaïque.
Un drame d’encore plus grande ampleur semble avoir été évité à la synagogue de Copenhague?
Oui, car la synagogue était remplie d’enfants à l’occasion d’une bar mitzvah. Mais le tueur n’a pas pu entrer. Si le bénévole du service de protection de la communauté, Dan Uzan, 37 ans, qui a été tué de plusieurs balles dans la tête, et les deux policiers, qui ont été blessés, n’avaient pas été là, cela aurait été un massacre.
Qu’est-ce qui a changé depuis les attentats de Paris?
L’espoir est né que cette terrible séquence mette fin au sentiment de solitude des Juifs de France. Ces dix ou quinze dernières années, face à la montée et la violence de l’antisémitisme, la mobilisation politique comme nationale était restée faible. Après les attentats de Mohamed Merah à Toulouse et le massacre dans une école juive, nous n’étions pas assez nombreux dans la rue… Et, malgré notre appel à défiler à Paris, il n’y avait eu que 20.000 manifestants, dont beaucoup de personnes de confession juive.
Estimez-vous, comme d’autres responsables de la communauté juive, que la mobilisation du 11 janvier n’aurait pas été aussi forte si seul l’attentat contre l’Hyper Cacher s’était produit?
Personne ne peut soutenir honnêtement le contraire! Sans Charlie, la mobilisation n’aurait pas été la même. Désormais, les choses semblent plus claires. La dimension antisémite du djihadisme est plus évidente. Mais aussi l’idée que, quand on attaque les Juifs, c’est la République qui est menacée. Qu’attaquer les institutions, s’en prendre à la liberté de la presse, participe d’une même volonté de saper la France et ses valeurs. Désormais, la question de l’unité nationale se testera à l’aune de la capacité de vigilance et de réaction face aux prochaines menaces, notamment contre les Juifs.
Les Juifs ont-ils eu le sentiment d’avoir tiré la sonnette d’alarme en vain?
L’attaque contre l’Hyper Cacher a provoqué beaucoup d’émotion mais n’a pas, hélas, été une surprise. Cela fait des années que la sécurité autour des lieux communautaires est renforcée. J’appartiens à cette génération qui a grandi avec des camions de police devant les synagogues et pour laquelle l’antisémitisme est devenu une fatalité.
Une «fatalité», le terme est fort. Comment se traduit ce sentiment?
Le nombre d’actes antisémites (851 au total) a doublé l’an dernier en France5, pays qui abrite la plus importante communauté juive d’Europe. La profanation de tombes juives au cimetière de Sarre-Union dans le Bas-Rhin, ce week-end, en est une nouvelle illustration. Mais il n’y a pas que la France. En Grande-Bretagne, plus de 1000 actes antisémites ont été répertoriés en 2014, un phénomène en hausse. Les actes sont aussi plus violents alors qu’auparavant il ne s’agissait souvent «que» de menaces. Aujourd’hui, les gens ne déclarent plus les menaces justement à cause de cette fatalité et de cette banalisation. La capacité d’indignation s’est émoussée.
En 2006, l’affaire Ilan Halimi (*) n’avait-elle pas doublement traumatisé la communauté juive, par son horreur mais aussi parce ce qu’elle révélait d’un nouvel antisémitisme? aussi parce ce qu’elle révélait d’un nouvel antisémitisme?
Cette affaire a provoqué une prise de conscience sur la remontée des préjugés antisémites. Un Juif avait été assassiné parce qu’on estimait qu’il était riche ou que les Juifs, riches, allaient immédiatement donner une rançon.
Des stéréotypes que vous tentez de combattre en allant dans les collèges? Des stéréotypes que vous tentez de combattre en allant dans les collèges?
Oui, notre objectif est de lutter contre tous les stéréotypes et les préjugés. Qu’il s’agisse de ceux sur les prétendus richesses ou complots des Juifs mais aussi ceux contre les Noirs, les Arabes, les homosexuels… C’est le programme CoExist que nous menons principalement dans des classes de 4e et de 3e. Je suis toujours triste de voir autant de jeunes qui ne se disent pas français, qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs de ce pays, qui banalisent le racisme et l’antisémitisme.
Concrètement, que disent ces élèves? Concrètement, que disent ces élèves?
Cela va de phrases stéréotypées, comme «Les Juifs sont riches», «Les Arabes sont voleurs» aux thèses sur la «domination des Juifs» ou complotistes qui sont véhiculées par Internet. Ces discours, qui ont commencé avec la négation du 11 Septembre, provoquent une vraie fascination, surtout chez les jeunes.
Des rumeurs qui ont aussi prospéré après les attentats de Paris?
Oui, elles prétendaient que le policier devant Charlie n’avait pas été tué car on ne voyait pas de traces de sang sur les images, que ni Coulibaly, ni les frères Kouachi n’étaient morts… Elles véhiculaient aussi des interrogations très insidieuses, du type: «À qui profite le crime?» Récemment, dans un collège du XVIIIe arrondissement de Paris, les quatre cinquièmes d’une classe agitaient la thèse du complot à propos des attentats…
À quoi servent vos interventions? N’est-ce pas finalement trop tard?
Le discours de ces adolescents n’est pas encore très construit. Quand on passe deux heures dans une classe, on arrive à déconstruire cette mécanique des préjugés. Tout en se posant beaucoup de questions: comment des jeunes, voire des très jeunes en sont arrivés à refuser d’observer une minute de silence, à perdre à ce point les repères. Si l’État met les moyens dans cette éducation à la citoyenneté et à la laïcité, cela devrait être un investissement rentable puisque, à terme, la délinquance devrait baisser.
Dimanche, le premier ministre israélien, Dimanche, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a appelé les Juifs européens à émigrer en Israël, comme il comme il l’avait déjà fait lors de sa venue à Paris. A-t-il raison de le faire?
L’inquiétude des Juifs de France est réelle. Certains font le choix du départ. Il faut cependant ramener la question de l’émigration vers Israël – 7000 en 2014, certes un record, sur quelque 500.000 Juifs en France – à sa juste proportion. Parmi eux, certains sont des étudiants, mobiles dans leurs études, d’autres profitent d’une opportunité économique. Beaucoup vivent entre les deux pays, certains reviennent. Pour ma part, je suis français et patriote. Le fait d’être sioniste et de soutenir l’existence d’Israël ne m’empêche pas d’être patriote.
Manuel Valls a eu raison de dire Manuel Valls a eu raison de dire «Sans les Juifs, la France ne serait pas la France»?
Oui. Une présence forte des Juifs en France, comme en Europe, est essentielle.
Des critiques ont visé l’UEJF qui a soutenu les demandes visant à permettre à des étudiants de ne pas avoir à passer leurs examens le samedi, jour du shabbat. Une entorse à la laïcité?
Cela concerne quelques centaines d’étudiants par an. Ne peut-on faire preuve d’un peu de souplesse et imaginer des aménagements? Cela porte-t-il atteinte aux valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité et la fraternité?
Marie-Amélie Lombard
Journaliste au Figaro