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Il n’y a pas d’âge pour s’attaquer à l’antisémitisme. En CM1, Sacha Reingewirtz, tout juste passé de l’école juive de Strasbourg à l’école publique voisine, doit présenter un exposé. Le sujet lui vient comme une évidence : l’affaire Dreyfus. S’il avait été en CM1 aujourd’hui, le petit Reingewirtz aurait-il enseigné ses jeunes camarades sur les délires complotistes du tandem Dieudonné-Soral ? Ou peut-être sur l’importation en France du conflit israélo-palestinien ?
Quelques années et moult diplômes plus tard, c’est dans une France au climat hautement inflammable que Reingewirtz, 28 ans, a pris la tête de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF, 15 000 membres). Depuis son élection à l’automne dernier, il ne s’est pas ennuyé. Le FN a fait 25% aux européennes, le spectacle de Dieudonné a été interdit par le Conseil d’Etat, des «morts aux juifs» ont fait bande-son dans les manifs de soutien à Gaza, les actes antisémites explosent, selon un récent rapport établi à partir des plaintes auprès de la police. Sinon, Christiane Taubira s’est fait traiter de singe et Najat Vallaud-Belkacem d’ayatollah. Ça va, pas trop découragé ?
Le jeune président, blond roux à barbe de trois jours, a le sourire un peu las. Il confesse une «certaine fatigue face à l’éternel recyclage des vieux clichés sur les juifs et au discours en général sur l’immigration» mais tient bon la barre de sa petite embarcation contre vents et marées. Furieux, les vents, et descendante, la marée. Les associations antiracistes prennent la poussière, les budgets fondent, le gouvernement a des hectolitres à écoper ailleurs. Bref, ça prend l’eau : «La lutte antiraciste apparaît aujourd’hui comme un combat d’arrière-garde. Il faut un certain courage pour porter aujourd’hui cette parole dans la cité.»
On lui trouve la pensée structurée et le propos prudent, raccords à son profil de premier de la classe poli par le moule UEJF : hypokhâgne à Henri-IV, Sciences-Po, Cambridge, droit pénal à la Sorbonne, école du barreau. Roger Cukierman, le très tradi président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), l’adoube «gendre idéal, pour une famille juive». Et fait l’article : «C’est un garçon agréable, doté d’un vrai talent oratoire. Il est ouvert au dialogue et au vivre ensemble.» L’agneau peut se faire taurillon, complète son prédécesseur à l’UEJF Jonathan Hayoun : «Son cursus et son côté posé rassurent, mais c’est d’abord un fonceur. Il enchaîne les projets. Il entraîne les gens derrière lui, il est dans le concret.» Il ne s’est finalement jamais inscrit au barreau, peut-être plus tard. Ça ne l’empêche pas de plaider tous les jours contre la haine des juifs. Pas d’effets de manche, style mesuré, mots pesés au gramme. A l’exposé des faits, ça donne un euphémisant : «J’ai l’impression que certains ne veulent pas des juifs en France.» Ou un réaliste : «La France n’est ni antisémite ni raciste, mais elle a un problème avec l’antisémitisme et le racisme.»
Enfant de sa génération, il a manifesté, pour la première fois, le 21 avril 2002. «Au moins, il y avait eu un sursaut. Là, on est dans le fatalisme.» Soupir. «C’est comme si on cherchait en permanence des excuses à la xénophobie. “Il faut les comprendre.” Mais non ! C’est pas parce qu’il y a des difficultés qu’il faut les mettre sur le dos des juifs, des homos, des femmes, des Noirs ou des Roms.»Il prend toujours bien soin d’unir les causes pour battre en brèche le discours sur la concurrence mémorielle. Il croit au terrain. Le programme CoExist par exemple, qui voit des intervenants aller dans les collèges pour déconstruire les stéréotypes. Ou les «comités locaux de vigilance contre le FN» montés avec SOS Racisme. Un travail de fourmi-Sisyphe qui ne lui laisse plus guère de temps à ce célibataire de lire Cendrars ou de courir le semi-marathon.
Il a fait ses premières armes à Assas, fac parisienne aussi réputée pour son cursus de droit que pour ses groupes d’extrême droite musclés. «A mon arrivée, j’ai vu que le GUD organisait un hommage à Brasillach. Ça m’a scié. Je ne pouvais pas rester muet.» Cela ne fut pas simple : «Ce n’était pas dans ma nature de m’exposer ainsi. Jusque-là, j’avais toujours opéré une franche dichotomie entre mon judaïsme et ma citoyenneté.»
Chez les Reingewirtz, on est juif et fier de l’être, mais à bas bruit. Sacha et son petit frère, aujourd’hui à HEC, ont été élevés dans la tradition : fêtes en famille, régime casher, rudiments d’hébreu. Les parents, dentistes à Strasbourg, apprennent aux deux fils à être «juif de manière discrète». Tout un équilibre. «C’était une éducation ambivalente. Nos parents étaient soucieux de la préservation du judaïsme et, en même temps, il fallait réussir, s’intégrer, le tout en étant sur ses gardes.» Entendre«sur ses gardes» comme proche synonyme de parano : au resto, les parents ne donnent pas leur nom complet, «on sait jamais». Lui-même a mis longtemps à indiquer sa vraie adresse au taxi.
Rejeton des grandes secousses de l’histoire, Reingewirtz, petit, a beaucoup questionné ses grands-parents. Côté maternel, le grand-père, quatre siècles de racines mosellanes, a été caché par des paysans pendant la guerre. La grand-mère a quitté la Sarre allemande pour passer la frontière française en 1933. Côté paternel, un grand-père né en Pologne qui a servi dans l’armée française, une grand-tante morte en déportation, et le grand-oncle Isaac, résistant, dénoncé et assassiné par la milice. Sur tout cela, des récits, des non-dits. Il est de l’école «si Dieu existe, j’espère qu’il a une bonne excuse». Vit son judaïsme comme «une histoire, une culture, une éthique porteuse de valeurs positives, en même temps qu’un héritage lourd à porter». Risques du métier, il reçoit des tombereaux d’insultes et de menaces de mort. «Ça renforce plutôt ma détermination.»
Il faut qu’on évoque les vidéos de Soral pour le voir un peu sortir de ses gonds. «Ça me rend fou qu’elles soient sur YouTube. Le dispositif juridique n’est plus adapté à la génération internet.» Sur le conflit israélo-palestinien, il «croit encore» à la coexistence de deux Etats. Re-soupir sur les manifs propalestiniennes de l’été : «On ne peut pas empêcher que l’attention se focalise sur ce conflit. Mais il faudrait que ce soit pour demander la paix, pas pour s’enferrer dans l’identification.» Il a pris ses distances de sécurité avec les excités de la Ligue de défense juive (LDJ), un «groupuscule minoritaire, raciste et violent». Ça n’en fait pas un transgressif pour autant. De gauche ? Il ouvre le parapluie. Indice 1, il a défilé pour le mariage gay, indice 2, Blum et Mendès France trônent au panthéon familial. Il revient sans cesse au combat contre le FN. «Il y a un vrai travail pédago à faire. Marine Le Pen a vendu un nettoyage de façade, les idées restent les mêmes. Les politiques devraient avoir un discours beaucoup plus ferme, répondre sur le fond. Ce qui me dérange, c’est que la crise soit utilisée comme prétexte pour ne pas mettre en œuvre de vraie politique sociétale. On laisse se propager des idées antisystème.» 2017 lui fait«peur», comme à pas mal de monde cela dit. La bataille sera longue, le petit soldat est prêt.
1986 Naissance à Schiltigheim (Bas-Rhin). 2012 Diplôme d’avocat. Octobre 2013Présiden
Par Cordélia Bonal Photo frédéric stucin