Les propos tenus dans la vidéo mise en ligne sur YouTube qui vient d’être supprimée par l’hébergeur avaient fait l’objet d’une condamnation en novembre dernier. Le polémiste controversé y parodiait une chanson d’Annie Cordy “Chaud cacao” en se moquant de la Shoah.
Pourquoi la vidéo de Dieudonné n’est-elle supprimée que maintenant ?
Dieudonné a été condamné en appel, fin novembre, pour “diffamation, injure et provocations à la haine et à la discrimination raciale”. En revanche, ni YouTube ni Dailymotion n’étaient assignés et n’avaient donc d’obligation de supprimer la vidéo mise en cause.
Après la levée de boucliers contre les spectacles de Dieudonné, le gouvernement veut désormais se pencher sur ses productions diffusées en ligne. Aurélie Filippetti envisageait ainsi début janvier de mener des actions contre YouTube. Une volonté confirmée par François Hollandelui-même lors de sa grande conférence de presse.
Il est très important de lutter (…) Il y a ce qui est fait (dans) les spectacles, et il y a ce qui doit être fait sur internet. Nous y travaillons”, avait ainsi déclaré le chef d’Etat.
Contacté par “Le Nouvel Observateur”, YouTube confirme que les vidéos ayant fait l’objet d’une condamnation en justice sont supprimées, même lorsque la demande n’émane pas explicitement des instances judiciaires. Ceci explique pourquoi le n°1 des sites de vidéos en ligne a retiré la vidéoincriminée de sa plateforme.
Enfin presque… En réalité, les propos condamnés se retrouvent dans bien d’autres productions de l’humoriste toujours disponibles sur YouTube, et notamment dans sa vidéo publiée le 31 décembre “2014 sera l’année de la quenelle !!!” qui cumule aujourd’hui à plus de 3 millions de visionnages.
Qui dit quoi ?
L’avocat de l’UEJF (Union des Etudiants juifs de France), partie civile au procès, convient ainsi que “demander le retrait d’une vidéo n’est pas très réaliste”. Maître Stéphane Lilti explique ainsi au “Nouvel Observateur” qu’”elle serait republiée dès le lendemain par un autre internaute sur une autre plateforme”. Ce que font valoir également les avocats de Dieudonné: au sujet de la suppression de la vidéo, Me Jacques Verdier, avocat du polémiste, commente ainsi vendredi à l’AFP qu’”Internet est éternel et ça ressortira un jour ou l’autre.”
Ceux qui veulent rire cliquent dessus, ceux qui ne veulent pas ne cliquent pas”.
Si la politique de contrôle de YouTube est très stricte pour ce qui concerne le droit d’auteur et les contenus à caractère pornographiques, il n’en est pas de même pour les discours diffamatoires ou discriminatoires. YouTube se protège ainsi derrière son statut d’hébergeur qui l’exonère de toute responsabilité vis-à-vis des contenus publiés sur sa plateforme.
Si le règlement de la communauté YouTube affirme que l’hébergeur n’autorise pas “les discours incitant à la haine, qui attaquent ou rabaissent un groupe en raison de la race, l’origine ethnique, la religion, le handicap, le sexe, l’âge, le statut de vétéran ou l’identité sexuelle”, la modération des contenus ne dépend en réalité que du signalement des vidéos par les internautes, puis de l’évaluation subjective du respect des conditions d’utilisateurs par les équipes de YouTube.
Qu’en est-il des autres vidéos de Dieudonné ?
Mais si la suppression réelle de contenus sur YouTube parait bien irréaliste, les anti-Dieudonné n’entendent pas se contenter des “petits efforts”de YouTube. L’UEFJ a ainsi porté plainte la semaine dernière contre l’humoriste pour les propos tenus dans la vidéo du 31 décembre, accessible à tous, mais actuellement précédée d’un message d’avertissement qui résume bien la position de l’hébergeur face à ce type de contenu polémique, “Le contenu suivant a été identifié par la communauté YouTube comme potentiellement offensant ou choquant. Il vous appartient de choisir de le visionner ou pas.”
Sacha Reingewirtz, président de l’UEJF précise au “Nouvel Observateur” qu’il s’agit davantage d’une “action symbolique” visant à “illustrer le fait que Dieudonné persiste dans sa stratégie de diffusion d’un message raciste”, et à interpeller YouTube qui relaye ses vidéos, “notamment sur sa page d’accueil et dans ses newsletters”.
Ce n’est pas aux militants anti-racistes d’être les éboueurs du net”, constate le président de l’UEJF.
“Ce n’est pas à nous de passer notre temps à traquer les propos racistes et antisémites, ça devrait être la responsabilité des sites web qui doivent réaliser un vrai changement de politique“, estime Sacha Reingewirtz.
Le Nouvel Obs’, 17 janvier 2014
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