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//www.liberation.fr/debats/2014/03/29/tour-de-france-de-la-fraternite-chroniques-de-campagne_991331
TRIBUNE
Dimanche 23 mars, 20 heures. Fréjus, Brignoles Beaucaire, Cavaillon, Béziers, Perpignan, Forbach, Hayange, la liste des villes en passe d’être conquises par le FN s’égrène. Hénin-Beaumont est tombé. Au bureau de l’UEJF, c’est la consternation.
Ne rien faire : impossible, il faut réagir. Parler, comprendre, soutenir, mobiliser. Se rendre sur le terrain, combattre pied à pied, le danger qui menace le collectif. Relier, d’un trait de plusieurs milliers de kilomètres, les mille visages de la France. Nous nous sommes retrouvés, militants de l’UEJF, dans les visages de tous ceux qui chez eux refusent de voir leur ville sombrer.
Pendant cette semaine d’entre-deux-tours, nous sommes allés à Hénin-Beaumont, soutenir les habitants sidérés par la victoire éclair de Steeve Briois. Nous avons parcouru les routes du Sud. Nous étions à Fréjus, à Béziers, et quinze jours plus tôt à Saint-Gilles. Je reviens aujourd’hui de Forbach, fatigué, motivé, mais inquiet.
A Hénin-Beaumont, au lendemain des élections, le climat est lourd, électrique. On s’y regarde en chien de faïence. Avec les potes de SOS Racisme, compagnons de ce premier sursaut, nous avons monté un bus pour exprimer aux Héninois notre soutien, et former les premiers comités de vigilance. «Six ans, c’est long …», murmurent-ils la gorge nouée. D’autres tentent de plaisanter : «Moi avec ma tête de métèque, de toute façon, je vais devoir faire mes valises…» Comme pour conjurer les angoisses. Rencontre avec le collectif des Jeunes Héninois Motivés : «On est dégoûtés, on voudrait quitter la ville, mais bon, quand même, on ne va pas abandonner le terrain.» Le travail de reconquête sera fastidieux : «Dans une ville comme Hénin-Beaumont où politique rime avec corruption, on craint beaucoup toute récupération», entend-on.
Arrivée dans le Sud. A Fréjus, la bataille des égos locaux rend impossible le front républicain, et laisse un boulevard au frontiste David Rachline. Pourtant, beaucoup d’habitants ne veulent pas baisser les bras. Ibrahim et Zoher nous invitent à rester pour poursuivre les tractages sur les marchés, les accompagner faire du porte-à-porte. Leur ami Olivier, un industriel offre l’hébergement, met à notre disposition ses moyens pour monter dans la nuit un collage improvisé ! Nous appelons l’ancien ministre François Léotard et la conseillère générale Elsa Di Meo pour poser les premières pierres d’un comité républicain local.
Une soirée s’organise dans le quartier réputé chaud de la Gabbelle où Ibrahim et Zoher nous emmènent dîner dans un kebab et interpellent les jeunes en nous montrant : «Vous savez qui ils sont ? Ce sont les étudiants juifs de France, ils sont venus depuis Paris aujourd’hui pour nous aider à lutter contre le Front National ! Il faut arrêter de nous opposer maintenant, et il faut qu’on se tienne la main !»
Elles sont loin les paroles de cette dame d’une cinquantaine d’années, rencontrée plus tôt le matin sur le marché, qui nous expliquait les motivations de son vote :«J’en ai marre d’une certaine race… Je ne vais pas vous faire un dessin, vous voyez de qui je veux parler. Oui éventuellement, je suis raciste…»
La situation dans le Sud-Ouest s’enlise à Béziers. Robert Ménard y a réussi l’incroyable tour de force d’être plébiscité au premier tour comme candidat sans étiquette alors même qu’il a été soutenu par Marine Le Pen avec six colistiers encartés au FN. Quand on tracte, certains habitants s’étonnent : «Comment ça, Robert Ménard est lié au FN ?»
A Béziers, seul un désistement du candidat socialiste Jean-Michel Du Plaa aurait pu empêcher Ménard de prendre les clefs de la ville. Nous l’interpellerons à plusieurs reprises : sur le marché, mais aussi pendant son meeting de campagne. Feignant l’indignation, il explique : «Si je me retire, il n’y a aura plus que la droite populaire et l’extrême droite au conseil municipal, c’est la peste ou le choléra». Il fait scander à ses partisans «Résistance, résistance !».
Des habitants s’agacent : «Jean-Michel Du Plaa est complice de la reddition de la ville à Robert Ménard, on sait bien qu’ils sont amis de longue date.» Je salue ceux qui se sont levés pour dire haut et fort le mécontentement des biterrois. Rejoignant trois collectifs citoyens, nous avons organisé sur la place du 14 juillet un rassemblement qui a attiré plus de 500 personnes qui ont appelé à voter utile.
Notre tour s’achève dans l’Est, à Forbach, où Florian Philippot menace de prendre la ville à cause d’une quadrangulaire, malgré l’appel au front républicain lancé par le maire de Sarreguemines. Nous avons été touchés par les nombreux témoignages de sympathie : à Forbach, personne ne semble vraiment croire à une victoire du FN. Ici, on a foi dans le sursaut des abstentionnistes. A Florian Philippot qui accoste les passants en promettant de l’emploi à Forbach, nous demandons si l’application de la préférence nationale serait sa solution pour le plein emploi… Pas de réponse. Florian Philippot, parachuté de la dernière pluie, ne manquera pas en revanche d’accuser les militants de l’UEJF d’être «des habitants du 16e arrondissement de Paris (…) qui s’habillent chez The Kooples (…) venus en avion» (sic). En terme de préjugés sur les juifs riches, on ne se refait pas …
Que retenir de ce tour de France de la fraternité ? Pour beaucoup d’électeurs, le vote FN est d’abord un vote de rejet du socle républicain, et les préjugés racistes en sont une composante puissante. Je regrette infiniment que tant de candidats n’aient pas pris au sérieux la menace que le FN fait peser sur leur ville, et qu’au nom de vaines rivalités ils aient lâché le front républicain. Quand bien même notre action nous a donné de solides raisons d’espérer, nous en revenons aussi amers.
Nous étions – nous restons – déterminés ; nous ne pouvons pas nous résigner. Nous le saurons dimanche. Si le FN passe. Nous ne laisserons rien passer.
Sacha Reingewirtz Président de l’Union des étudiants juifs de France