Ce document a été réalisé par le Comité de Rédaction de la Commission ADL (Anti-Defamation League), Région Parisienne du B’nai B’rith (” Fils de l’Alliance “, la plus ancienne et la plus grande organisation juive du monde) . M. le Rabbin Fizon de Thionville et M. le Grand Rabbin Gugenheim sont remerciés pour leur aide précieuse. Ont également collaboré des vétérinaires, des professionnels de la viande, des juristes …
Mal connue des non-Juifs, la shehita (abattage rituel juif) est une technique décrite et codifiée de manière très précise dans la Torah (Loi), et imposée au peuple juif comme seul mode possible d’abattage des animaux. La shehita est fondée sur un principe constant de la Torah : le respect de la vie animale. Elle implique la nécessité de limiter au maximum la douleur de l’animal lors de l’abattage, et de ne pas banaliser sa mort. Dans ce document, nous passerons en revue les règles du droit hébraïque relatives à la protection animale et à la shehita. Nous présenterons également les aspects législatifs, techniques et scientifiques de la shehita, et les conclusions de travaux réalisés par des scientifiques de diverses nationalités et confessions. Il apparaîtra que le judaïsme est allé très loin dans le profond respect de l’animal et dans la prise en compte de sa souffrance.
Les bases religieuses de la shehita
Si la Torah reconnaît à l’homme le droit de tuer des animaux pour se nourrir, elle lui demande deux choses essentielles : -respecter la dignité des animaux, de leur vivant et jusqu’après leur mort ; -limiter au mieux leur souffrance et leur stress au moment de leur mise à mort. La mise à mort d’un animal doit s’effectuer de manière à lui éviter au maximum souffrance et stress : Ce respect se prolonge au-delà de la mort de l’animal, dans la préparation et la consommation de la viande (kacherout). Le shohet (abatteur rituel) Depuis 1964, tout abattage rituel d’animaux de boucherie doit être pratiqué par un shohet (abatteur rituel) habilité à la fois par la Commission Rabbinique Intercommunautaire et par le Ministère de l’Agriculture (décret n°64-334 du 16 avril 1964). Une circulaire datant du 28 décembre 1970 (DSV n°1246-C), puis précisée le 25 décembre 1978 (DQ/SVHA/C-78 n°157C) a permis la mise en place d’une carte spéciale semestrielle de couleur, délivrée au shohet par la Commission Rabbinique Intercommunautaire (Consistoire Central Israélite de France et d’Algérie) et enregistrée par la Direction Départementale des Services Vétérinaires (Ministère de l’Agriculture). Le Tribunal Rabbinique effectue des contrôles permanents de l’aptitude du shohet. Toute faute peut entraîner un retrait temporaire de la kabbala, une faute morale entraînant un retrait définitif. Même expérimenté, un shohet doit réviser en permanence les enseignements théoriques de la shehita.
Le déroulement de la shehita
Des règles très précises codifient les quatre phases de la shehita.
1- Examen avant l’abattage 2- Contention lors de l’abattage Tout étourdissement ou anesthésie (électrique, chimique…) préalables sont interdits et rendent l’animal nevela -impropre à la consommation (Rav Ythzak Weiss, Minhat Ytzhak, tome 2, chapitre 27). 3 – L’incision Les règles de l’incision sont très précises. Elles ont une signification religieuse et visent à réduire au maximum le stress et la souffrance de l’animal. 4 – L’inspection : La dernière étape consiste en une bediqua (contrôle) de la carcasse et des principaux viscères par le shohet. Si l’animal n’est pas kacher il ne peut être consommé par des Juifs pratiquants. Dans la pratique, cet examen conduit à ne pas considérer comme kacher la plupart des veaux qui ont été élevés en batterie. Une dernière inspection est pratiquée par le Vétérinaire-Inspecteur, au même titre que pour tous les animaux de l’abattoir.
Aspects réglementaires
La shehita est une technique d’abattage officielle en France. La shehita et la limitation de la souffrance de l’animal La shehita ayant été le mode d’abattage le plus contesté en Europe, elle a eu le privilège d’être le plus étudié par les scientifiques d’Europe, d’Amérique et d’Israël depuis un siècle. L’abattage après étourdissement (non rituel), couramment utilisé en France, et la souffrance de l’animal Les modes d’abattage couramment utilisés en France (autres que la shehita) et préconisés par la réglementation impliquent un étourdissement de l’animal avant l’incision. Les réglementations française et européenne autorisent plusieurs modes d’étourdissement : L’étourdissement des bovins au pistolet à tige perforante. En raison des cadences d’abattage à la chaîne, cette technique est loin d’être aisée, et que les échecs sont fréquents. Si par accident seul le cortex moteur est détruit, il y aura paralysie sans insensibilisation, c’est à dire que l’animal percevra tout, souffrira, sera conscient, mais ne pourra pas bouger. Pour éviter les contractions de l’animal – contractions en général d’origine réflexe, dangereuses pour le personnel, on enfonce ensuite un jonc (aiguille) dans le canal rachidien, pour détruire les centres nerveux. L’électroanesthésie, surtout utilisée pour les moutons, consiste en la réalisation d’une “analgésie” par application d’un fort courant électrique à l’animal. Si le temps d’application du courant est insuffisant, il crée au contraire une souffrance chez l’animal. Un autre risque est celui de la curarisation par l’électricité, l’animal pouvant alors apparaître inconscient alors qu’il ne l’est pas. Ce mode d’étourdissement provoque un stress important chez l’animal, qui se traduit par un éclatement important des vaisseaux sanguins. Ce procédé est souvent évité avec des animaux à viande blanche, car les tâches de sang dûes à cet éclatement des vaisseaux sont visibles même après cuisson, ce qui est peu apprécié par le consommateur. Pour tenter d’améliorer l’insensibilisation, des procédés de gazage des animaux sont parfois utilisés. Les porcs sont parfois insensibilisés par un coup de massue ou de pioche pour défoncer la boîte crânienne. Pour ces modes d’étourdissement de l’abattage non rituel, la perte de conscience n’est donc pas clairement établie. En effet, paralysie et perte de conscience ne vont pas de pair. Ces considérations amenaient le Professeur Ruckebusch à écrire en 1977 que sur la base de critères neurovégétatifs, il est intéressant de constater que les procédés les plus courants d’abattage ne sont pas nécessairement les plus inoffensifs pour l’animal.
La shehita et l’hygiène de la viande
Une étude comparative entre l’abattage avec étourdissement au pistolet à tige perforante et la shehita a été menée à l’abattoir de Dublin, en mesurant la quantité de sang restant dans le muscle. Les résultats montrent que la saignée lors de la shehita est bien supérieure à la saignée avec étourdissement préalable, ce qui favorise une meilleure hygiène de la viande. Ces aspects hygiéniques résultant de la shehita doivent être considérés uniquement comme un avantage supplémentaire, l’essentiel étant de réduire la souffrance de l’animal. Bien entendu, pour le Juif croyant, ce n’est pas le simple fait du hasard.
Conclusion
La shehita est parfois associée à l’image d’un procédé barbare, voire d’un acte gratuit, faisant souffrir les animaux au nom d’un fanatisme religieux. La Suisse et la Suède ont même interdit l’abattage rituel. Cette image provient d’une méconnaissance totale des principes et des implications de la shehita, qui sont à l’opposé de ces accusations. Les mesures effectuées par de très nombreux Professeurs de Physiologie animale de différents pays arrivent toutes à la conclusion qu’il y a absence de signes de souffrance lors de la shehita, du fait d’une perte de conscience quasi-immédiate. D’après certains auteurs, la shehita serait même le meilleur procédé, les techniques d’étourdissement généralement utilisées pouvant être très traumatisantes. Toute controverse quant à la violence de la saignée ou aux mouvements réflexes de l’animal pouvant survenir lors de la shehita n’a aucune base scientifique. Pour les Juifs, si ses besoins physiologiques amènent l’homme à consommer de la viande, cette consommation est soumise à des règles très strictes, qui lui rappellent que la nature ne lui a pas été donnée sans condition, et qu’il en est le gardien (Genèse 1, 29). La mise à mort de l’animal ne peut se faire que par la shehita, dont la codification précise est sous-tendue par les notions fondamentales de respect de l’animal et de nécessité de limiter sa souffrance.