Dieudonné M’bala M’bala et Alain Soral, main dans la main, pour le pire. Les deux polémistes ont décidé de créer ensemble un parti politique,révèle “Mediapart” dans un article publié mardi 21 octobre. La future organisation s’appellera Réconciliation nationale, référence explicite à l’association d’extrême droite d’Alain Soral : Egalité et réconciliation.
Ce n’est pas la première fois que les deux hommes, très proches politiquement et financièrement, se décident à faire de la politique. En 2009, Dieudonné et Alain Soral s’étaient lancés dans les élections européennes en se présentant sur la liste d’Ile-de-France du Parti antisioniste. L’échec fut complet et sans appel.
Obsession antisémite et divorce avec le Front national
Cette fois-ci, s’ils souhaitent créer une organisation pérenne, les deux polémistes ont des objectifs bien différents. Dieudonné, toujours à son obsession antisémite, entend répondre “aux larbins du Congrès juif mondial”, “cette organisation mafieuse et sataniste”, qui a “fait plier le Conseil d’Etat” en faveur de l’interdiction de son spectacle en mars dernier.
Pour Alain Soral, la création de ce parti est née de sa rupture avec le Front national. Il avait annoncé le 6 septembre son projet de “se dissocier totalement du Front national” et de “rouler pour lui-même, en tant que parti politique” après les prises de position “pro-israéliennes” du conseiller international de Marine Le Pen et eurodéputé Aymeric Chauprade, lors de l’université d’été du FN. Une “trahison” selon Alain Soral, qui avait été membre du comité central du FN jusqu’en 2009.
Selon les documents que Mediapart a pu consulter, le parti Réconciliation nationale sera domicilié au 3 rue du Fort de la Briche, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). A la même adresse, on trouve également Égalité et réconciliation, et la maison d’édition d’Alain Soral, Kontre Kulture, mise en cause pour avoir publié plusieurs livres aux forts accents antisémites en 2013. Le parti sera co-présidé par Alain Bonnet, dit Soral, et Dieudonné M’bala M’bala.
Fraude fiscale, blanchiment, incitation à “la haine”
Les deux compères ont en commun d’accumuler les ennuis judiciaires. Dieudonné a été mis en examen le 10 juillet pour fraude fiscale, blanchiment et abus de biens sociaux. En septembre, le parquet de Paris a ouvert une nouvelle enquête pour “apologie d’actes de terrorisme”après la diffusion d’une vidéo dans laquelle il ironise sur la décapitation du journaliste américain James Foley par l’organisation de l’Etat islamique (EI).
Alain Soral a été condamné en appel à 2.500 euros d’amende le 16 octobre pour avoir diffamé l’ancien maire PS de Paris, Bertrand Delanoë, en portant à son encontre des accusations d’enrichissement illégal et de pédophilie. Trois mois de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende ont été requis en octobre à l’encontre du polémiste d’extrême droite, qui est accusé d’incitation à “la haine, la discrimination ou la violence” à l’égard du journaliste Frédéric Haziza et de la communauté juive.
“Argent des Iraniens”, vidéo payantes
Parallèlement, l’Association de financement du parti Réconciliation nationale est créée et aura “pour objet exclusif de recueillir des fonds” et de bénéficier des aides publiques en cas d’élection. Les deux hommes préparent déjà leur demande d’agrément auprès de la commission des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), selon “Mediapart”.
Selon le site, Dieudonné et Soral table sur une prochaine dissolution de l’Assemblée nationale pour engranger des fonds. Cela “leur permettrait de concourir avant 2017 et de recevoir une part des financements dévolue aux partis en mesure de présenter des candidats dans 50 circonscriptions – à condition de dépasser 1% des suffrages exprimés”, explique “Mediapart”.
D’où viendront les autres financements du parti ? Comme le rappellent “Mediapart” et Rue89, Alain Soral a avoué, dans l’une de ses vidéos en 2013, avoir eu de “l’argent des Iraniens” pour “faire la liste antisioniste”. Le polémiste antisémite qui diffuse ses interventions vidéo sur internet a aussi décidé de les rendre payantes depuis juillet, via Dailymotion, moyennant une part très avantageuse des rentrées publicitaires.
Dieudonné, lui, possède plusieurs leviers financiers : ses spectacles, son site “Dieudosphère” avec les produits dérivés et ses appels aux dons. En janvier 2013, pour son premier appel au don, le polémiste avait récolté 561.000 euros grâce à la solidarité des 1.761 fans qui ont sorti leur chéquier.
Les lucratifs stages commandos d’Alain Soral
Alain Soral peut aussi compter sur une autre source de financement : les stages commandos promus sur le site d’Egalité et réconciliation, comme le révélait “L’Obs” en août dernier. Les formations sont organisées par le groupe survivaliste “Prenons le maquis”, et dirigées par un proche d’Alain Soral, Piero San Giorgio. Un groupe qui entend former, pour la modique somme de 200 euros, les “citoyens responsables” à la “défense”, au “lien social” et aux “premiers soins”.
En fait, une vidéo de “promotion” livre un tout autre visage où les “stagiaires” sont initiés au self-défense et au maniement d’armes à feu (factices, à en croire l’association) et participent à d’obscures conférences sur “le cerveau triunique et le conflit”.
C’est l’entreprise d’Alain Soral, Culture pour tous, dont le chiffre d’affaires plafonnait à 640.000 euros 2012, qui gère le groupe “Prenons le maquis”. Les bénéfices des produits et formations vendus atterrissent directement dans les poches du polémiste d’extrême droite.
Comme le révèle “Mediapart”, depuis quelques mois, Egalité et réconciliation profite d’une vague d’adhésions et compterait aujourd’hui 12.000 personnes. L’association d’extrême droite d’Alain Soral, créée pour ancrer le FN dans les banlieues, s’est d’ailleurs restructurée en “antennes” régionales et en “sections” locales. Des “pôles de compétences” ont même été créés : militantisme, événement, localisme-écologie, communication, idées et formation théorique, relations extérieures.
Paul Laubacher – Le Nouvel Observateur