Benoît le Bars est associé gérant du cabinet Lazareff Le Bars, qui accompagne l’”Initiative prévention de la haine” et sa campagne pour le label Respect Zone.
La montée de l’intolérance et du rejet des différences observée ces derniers mois ne cesse d’inquiéter les défenseurs des droits inaliénables de l’homme, d’autant que ses nouvelles formes d’expression soulignent les faiblesses de notre arsenal juridique.
L’article 2 de la Constitution de 1958 assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ou de religion. Cependant, ces deux dernières années, les actes et menaces à caractère raciste, antisémite et antimusulman connaissent une “forte augmentation” (+ 23 % en 2012), selon le rapport annuel de la Commission nationale consultative des Droits de l’homme (CNCDH) qui constate une intolérance “préoccupante”. Un rejet de l’autre exacerbé par les dernières échéances législatives qui nous pousse à nous interroger sur la question suivante : la France est-elle en train de devenir raciste ?
Une absence de définition juridique
S’il n’existe pas de définition universelle et absolue du racisme dont la signification fait l’objet de nombreux débats, certains auteurs comme Johannes Zerger nous en proposent une caractérisation. “Le racisme comprend des idéologies et des pratiques basées sur la construction de groupes sociaux, classés selon leur origine et leur provenance, auxquels sont attribuées des caractéristiques collectives évaluées implicitement ou explicitement et considérées comme difficilement modifiables, voire pas du tout” (Was ist Rassismus ?, Göttingen 1997, p.81). Existe-t-il, pour autant, une définition juridique du racisme appelant à reconnaître son existence, en droit et ouvrant la possibilité de le sanctionner ? Il semblerait que le législateur n’ait pas souhaité se prononcer, préférant appréhender la criminalisation de son expression plutôt que d’en donner une définition. Dans la pratique juridique, le concept de “discrimination raciale” est entendu comme un traitement inégal, une remarque ou un acte de violence commis dans l’intention de rabaisser une personne sur la base de son apparence physique (“race”) ou de son appartenance à une ethnie, une nationalité ou une religion.
Un arsenal juridique vieillissant
Le 1er juillet 1972, la France se dotait d’un arsenal juridique unique au monde où le racisme n’est plus considéré comme une opinion mais comme un délit puni par la loi, avec des peines pouvant aller de 750 euros d’amende (injure raciale non publique) à un an de prison (diffamation raciale publique). En 2012, 85% des Français réaffirmaient leur attachement à cette loi, argumentant spontanément que “le racisme, quel qu’il soit, n’est pas acceptable”, qu’il “faut lutter contre toutes les formes de discrimination, tous les êtres humains sont égaux” et que “la haine et la violence ne doivent pas être tolérées” (l’Humanité.fr – septembre 2012).
Plus de 40 ans après son adoption, cet arsenal juridique est-il suffisant ?
Plus de 40 ans après son adoption, cet arsenal juridique est-il cependant suffisant alors que les discriminations ne cessent d’augmenter ? Comment faire face à la libération de la parole raciste sur Internet ? Dans les faits, à peine 10% des victimes portent plainte faute de preuve ou par crainte de procédures judiciaires interminables… Comment aider ces victimes à se défendre ? S’associer pour pallier aux zones de non droit, enseigner, prévenir et anticiper par le biais d’actions communes, semblent être la réponse à apporter.
Lutter contre la haine raciale sur Internet
Dans cette optique, Philippe Coen, Président de la European Company Lawyers Association, témoigne de la “nécessité de rester vigilant et de prendre conscience de la recrudescence de la xénophobie dans notre pays et de la cyberviolence sur les réseaux sociaux”. Il est l’instigateur de “Hate Prevention Initiative”, association regroupant des personnalités issues d’horizons variés : avocats, juristes, politiques, journalistes, historiens, philosophes, artistes, financiers, économistes, en France et à l’étranger, convaincus de la nécessité de favoriser l’éducation à l’histoire et la prévention des mécanismes d’exclusion et de stigmatisation violente en ligne. Ce groupement milite pour faire précéder la publication de “Mein Kampf” (domaine public – 1er janvier 2016) d’un appareil critique à fins pédagogiques. Philippe Coen est également à l’origine de la création du label de prévention de la haine en ligne – www.respectzone.org – accessible à tous et compatible avec la liberté d’expression. Ce label est soutenu par 400 signataires parmi lesquels : le Barreau Solidarité du barreau de Paris, l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise), l’AmCham et le Sell (Syndicat du jeu vidéo).
Autant d’actions, révélatrices de l’augmentation de la recrudescence de la “xénophobie moderne”, qui appellent une prise de conscience de l’urgence d’une “remise aux normes” de la législation française pour la protection des Droits de l’homme, notamment dans une société de plus en plus ouverte et “numérisée”.