Lors de son hommage à Stéphane Hessel, qui nous a quittés dans la nuit du 26 au 27 février, François Hollande a rendu hommage à l’ancien résistant et militant. Mais il a également souligné son “incompréhension” concernant le combat pro-palestinien de ce dernier. Jonathan Hayoun, président de l’Union des Étudiants Juifs de France (UEJF), salue ce choix.
La société civile multiplie hommages et tribunes, autour de la disparition de Stéphane Hessel. Il nous laisse en héritage la gloire ou le déshonneur d’une figure controversée.
Il s’agirait aujourd’hui de lui attribuer un nom historique, un titre, une place dans la mémoire collective. Pour ses funérailles, l’homme fort de l’indignation aura bénéficié d’une arène polémique. D’un côté, le ton est au drame national. Le héros des humanistes, le héraut des opprimés, l’éternel résistant est loué et chanté par les chantres du bien-penser.
Une manie antisioniste qu’on ne doit pas oublier
De l’autre, on s’alarme que figures de proue de la République et vastes assemblées se complaisent à refouler dans leurs louanges les malédictions que proféraient Hessel à l’endroit d’Israël, et la violence de comparaisons tant absurdes que pernicieuses. Les plus cyniques – les plus lucides, peut-être – avanceront que le résistant droit-de-l’hommiste aura servi d’alibi humaniste aux ennemis viscéraux du peuple juif.
Devant l’émoi, devant l’alarme, devant la férocité des échanges, il importe de reposer à nouveaux la question: “De quoi Hessel est-il le nom” ?
Si la réponse allait de soi, les hommages nationaux se seraient passés de commentaires.
Stéphane Hessel a eu une longue vie. Une vie jalonnée d’épreuves difficiles, de moments de gloire, de grands et beaux gestes militants – pour lesquels nous, militants, n’éprouvons qu’admiration. Stéphane Hessel a eu une vie longue. Une vie marquée par une gloire mondiale, attestée par la grande histoire des révoltes et indignations qui ont bourgeonné de par le globe, mais que nous, qui luttons contre l’antisémitisme, recevons avec amertume.
La manie antisioniste du grand homme, et ses déclarations ulcérantes du “Frankfurter Allgemeine Zeitung” ne doivent pas être oubliées. Stéphane Hessel fût une grande figure héroïque, entachée par des engagements manichéistes et indigents qu’aucun humaniste véritable ne saurait cautionner.
Hollande a eu raison de parler d’incompréhension
Saluons la finesse du président Hollande, qui mit entre parenthèses lors de son hommage – sans les nier – les prises de positions les moins recevables du personnage : “Il pouvait aussi porter une cause légitime comme celle du peuple palestinien, qui suscitait parfois l’incompréhension de ses propres amis. J’en fus. La sincérité n’est pas toujours la vérité, il le savait mais nul ne pouvait lui disputer le courage”.
Quand bien même cette mise entre parenthèse ne saura satisfaire les citoyens les plus profondément heurtés par les propos de Stéphane Hessel, la parole présidentielle aura néanmoins eu le mérite de faire advenir la nuance et la complexité dans le flot des réactions et des commentaires subséquents au décès.
Il en va en effet de la capacité de la société civile à prendre en charge l’équivoque d’un héritage discutable. Le goût pour les jugements tranchés et simplistes insinue le risque d’un face-à-face de deux camps retranchés sur des panégyriques lâchement tronqués et de lugubres oraisons.
Prendre acte de la complexité et des dangers ; entendre les ambivalences et les antagonismes – voilà ce à quoi nous invite l’agitation autour de la mort d’Hessel.
Car c’est à la capacité d’échapper au manichéisme, et de s’ouvrir à la complexité, que tient le véritable humanisme mais aussi les combats authentiques contre la misère, les dictateurs en tous genres, le racisme et l’antisémitisme… Et la possibilité de vivre-ensemble.
Jonathan Hayoun, président de l’UEJF,
Le Plus/Nouvel Obs’, 11 mars 2013