Tarik Ramadan invité de Sciences Po par l’association Salaam pour intervenir sur le thème « Islam politique, à l’aune des révolutions arabes ». Non ce n’est pas une fiction, c’est bien la réalité.
Vendredi 20 Janvier à 19h, Tarik Ramadan, sans le moindre contradicteur, a eu droit au grand amphi pour sa toute première venue à Sciences Po.
Signe inquiétant et qui dénote de l’air du temps : sa venue ne fait pas de remous à l’intérieur de Science Po. L’UEJF peine à alerter d’autres associations étudiantes qui acceptent de participer à l’élaboration d’un tract rappelant quelques-uns des méfaits du prédicateur. SOS Racisme et Ni Putes Ni Soumises se joignent à l’UEJF dans un communiqué commun déplorant la tribune d’honneur donnée à Ramadan.
C’est à la veille de la conférence que l’école autorise l’ouverture à un nombre plus important de participants. Initialement prévue dans un amphithéâtre modeste, l’événement aura donc finalement lieu dans le grand amphi, le célèbre amphi Boutmy.
Une heure avant le début, la salle commence déjà à se remplir. Ne peuvent entrer dans l’école que ceux qui sont inscrits à la conférence. La moitié sont des étudiants de Sciences Po. Suite à différentes discussions avec l’administration, il a été conclu que l’UEJF pouvait tracter dans l’enceinte de Sciences Po et assister à la conférence. Mon invitation est exigée à plusieurs reprises par les organisateurs à différents endroits de la salle. Ce traitement de faveur me confirme que je ne suis pas particulièrement le bienvenu. Un journaliste se voit refuser le droit d’entrée malgré, ou plutôt à cause, de sa carte de presse. La salle est attentive au prêche de Tarik Ramadan. Rires de connivence et applaudissements ponctuent son discours qui est bien plus politique qu’universitaire. Autour de la question de l’islam politique, il explique notamment que “dans la charria, il y a du bon et du mauvais”.
L’amphi Boutmy s’est transformé en meeting du “Frère Tarik”. Le débat s’ouvre ensuite, mais de débat il n’y a pas… Le public est entièrement acquis, aucune question critique hormis celle que je pose, l’interpellant au sujet de son émission sur la chaîne iranienne Press Tv. En effet, Tarik Ramadan a travaillé pour une chaîne iranienne anglophone Press Tv, appartenant au gouvernement d’Ahmadinejad, connue pour diffuser des programmes incitant à la haine raciale et faisant l’apologie du négationnisme. Il a tenu son émission durant la grande vague de répression du mouvement vert, tandis qu’il condamnait le régime iranien dans les médias français, sans jamais porter une parole critique. Étrange manière de faire vivre ses idées que de travailler pour ceux que l’on dit condamner… Stupéfaction… Ma question et mes propos sont hués tandis que Tarik Ramadan lui-même traite l’UEJF et moi-même de “menteurs, hypocrites et manipulateurs”. Je n’aurais jamais cru entendre à Sciences Po 400 personnes acclamer Tarik Ramadan lorsqu’en réponse à ma question, il ose se justifier en disant qu’il l’a fait au nom des opposants au régime.
Les prédicateurs de haine sont nombreux en ce moment à rechercher un diplôme de respectabilité dans le monde universitaire. Son apparent statut d’ universitaire n’impose en rien à Sciences Po de considérer que Tarik Ramadan a la légitimité d’avoir une tribune en son sein. Enseigner à l’université d’Oxford par l’intermédiaire d’une chaire privée, financée par le Qatar, lui permettrait donc aujourd’hui de ne plus avoir à rendre compte de sa pratique du double discours.
Est-ce que Sciences Po va prendre la voie de l’Université Libre de Bruxelles qui a reçu six fois Tarik Ramadan ainsi que des personnalités telles que Dieudonné ?
Jonathan Hayoun, président de l’UEJF
La Règle du Jeu, 7 février 2012