Atlantico : Israël vient de repousser pour la énième fois les attaques du Hamas à Gaza. Malgré la défaite militaire du groupe terroriste palestinien armé par l’Iran, celui-ci a renouvelé son intention de détruire l’Etat hébreu. La communauté internationale, qui a presque unanimement et durement critiqué la riposte de Tsahal (hormis les Etats-Unis et le Canada) n’a-t-elle pas tendance à sous-estimer le danger que représente le Hamas pour la survie d’Israël ?
Frédéric Encel : Je serais plus nuancé sur les critiques. En réalité, non seulement toutes les chancelleries occidentales – et non seulement Washington et Ottawa – ont limité ou tu leurs critiques à l’égard d’Israël, mais il en fut de même pour la Russie, la Chine ou encore l’Inde. Plus caractéristique encore de l’évolution géopolitique de la région : la Ligue arabe, désunie et faible comme jamais, n’a que mollement protesté contre l’Etat juif, puisque les poids lourds saoudien et égyptien étaient résolument opposés au Hamas ! Mais il va de soi que la puissance de feu de Tsahal étant bien supérieure à celle du mouvement islamiste, le bilan ne pouvait qu’être bien plus lourd du côté palestinien et, partant, les reproches les plus nombreux et les plus acerbes s’exprimèrent à l’encontre d’Israël.
En plus du Hamas à Gaza, l’Etat hébreu est confronté aux menaces du Hezbollah au Liban, d’Al Qaida à la frontière syrienne et même de l’Etat islamique, pour qui Israël est une cible déclarée. Quels sont les risques réels posés par ces groupes terroristes ? Sont-ils exagérés ?
Disons que chacun pris séparément, ces groupes ne pourraient en aucun cas détruire Israël. Si le Hamas et le Hezbollah lui opposaient de concert toutes leurs forces coalisées – scénario de plus en plus invraisemblable au regard du fossé sanglant entre sunnites et chiites – leur capacité de nuisance serait sinon désastreuse pour l’Etat hébreu du moins très pénible pour son moral et son économie. Quant aux jihadistes de l’Etat islamique, dangereux pour toute la région et pas seulement pour Israël, ils sont fanatiques mais pas stupides : parvenus à la frontière jordanienne, ils se sont détournés plutôt que d’assaillir le modeste royaume hachémite. Pourquoi ? Car Tsahal et l’armée américaine les auraient frappé très puissamment afin de secourir leur protégé…
Ce qui demeure chez les Israéliens, c’est ce sentiment anxiogène d’encerclement, de menace existentielle constante. Le fameux syndrome d’Auschwitz… D’où ce besoin permanent de se renforcer et de dissuader.
La confrérie des Frères musulmans d’Egypte, qui a donné naissance au Hamas, représente-elle toujours une menace politique pour Israël, malgré la répression du président al-Sissi ?
Les Frères musulmans sont violemment antisémites et non “seulement” antisionistes, c’est un fait. Cela dit, là encore, le pragmatisme n’est jamais très loin. Je note que durant sa courte année au pouvoir en Egypte, en 2012-2013, Mohamed Morsi n’aura rien tenté contre “l’ennemi sioniste”, coopérant même au contraire chaudement avec lui pour lutter contre des terroristes… islamistes dans le Sinaï ! Cela dit, naturellement, les Israéliens préfèrent un officier supérieur nationaliste. Ce schéma leur est familier depuis des décennies…
Les craintes exprimées par l’opinion et la presse israéliennes et le premier ministre Benjamin Netanyahou, vis-à-vis des ennemis qui encerclent le pays sont-elles compréhensibles et justifiées ?
Elles se comprennent du point de vue des traumatismes de l’histoire du peuple juif, de la chute de Jérusalem face à Rome, en l’an 70, à la Shoah voire à la guerre du Kippour de 1973. Ce complexe de Massada est très partagé dans le pays. Mais c’est une représentation, c’est à dire une perception collective. Et comme toute perception, elle est nécessairement subjective. Certes, le minuscule Etat juif a subi d’implacables ennemis, certes il n’est toujours pas reconnu par la plupart des pays arabes et quelques Etats musulmans, mais pour autant jamais le pays n’a atteint un tel degré de puissance objective, tant sur le plan militaire qu’économique et même démographique.
Barack Obama a qualifié l’Etat islamique de “cancer” après la décapitation du journaliste, James Foley, mais n’a jamais eu de mots aussi durs pour le Hamas, dont la participation au gouvernement de coalition palestinien a été considérée légitime par la Maison Blanche, relèvent des critiques israéliens. Le président américain ne pratique-t-il pas le deux poids deux mesures avec Israël, son principal allié dans la région ?
Là encore je nuancerais. Le Hamas menace incontestablement Israël, ne l’ayant jamais reconnu ni n’ayant reconnu d’ailleurs les traités internationaux signés par l’Autorité palestinienne (dont Oslo en 1993). Mais il ne menace “que” Israël, dont la puissance, on l’a vu une fois de plus, est redoutable. Tandis que les Américains constatent que l’Etat islamique non seulement menace plusieurs de leurs alliés – la très pétrolifère Arabie saoudite et la faible Jordanie notamment – mais encore des alliés parfaitement incapables de se défendre contre un ennemi surdéterminé et destiné à des conquêtes sans limites autres que celle de la force. D’un côté un mouvement surtout nationaliste géographiquement très réduit et enserré entre puissantes armées égyptienne et israélienne, de l’autre une force panislamique brisant des frontières séculaires et menaçant une région entière ! Et puis Obama parlait sous le coup de la colère et de l’indignation suite à l’assassinat cruel d’un ressortissant américain. Le Hamas assassine de temps à autres des Israéliens, mais pas à ma connaissance des Américains…
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