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Pourquoi découvrir Dieudonné si tardivement?

Le mauvais goût est à l’humour ce que la pâtée pour chiens est à la gastronomie: qui aurait envie d’aller goûter l’écuelle de notre compagnon à quatre pattes dès lors que de bonnes choses flattent nos sens par leur fumet et nous promettent des joies simples et vraies. Dans le registre des plaisanteries mal venues, les humoristes font parfois assaut de facilité et leur talent supposé n’est pas toujours à la hauteur de leurs cachets: on se moque des infirmes, des Belges, des flics, des blondes, bref on cherche désespérément des têtes de Turcs pour faire rire, parce que la drôlerie nous ne la maîtrisons plus et parce que Pierre Dac et Francis Blanche, Michel Audiard et Jacques Prévert sont morts et enterrés.

Franchement, pourquoi ne pas laisser ces pitres de seconde zone mourir de leur vilaine mort, celle de la médiocrité et de l’oubli? Pourquoi s’indigner de ce qui ne fait rire que les cons, les abrutis, lesquels, après tout, ont bien le droit de s’amuser un peu puisque rien d’autre ne leur est offert? Il y a belle lurette que Dieudonné donne dans le racisme anti-blanc, ni plus ni moins excusable que le racisme judéophobe, ce mot plus juste , plus approprié que celui d’antisémite, employé à contresens.

Dans les années quatre-vingt-dix, j’avais été frappé par l’imbécillité de celui qui, imitant Coluche, envisageait très sérieusement de se porter candidat à la présidentielle. Nul, alors, ne s’indignait du ton haineux de ses harangues, nul n’osait se poser la question de la légitimité de ces attaques virulentes qu’il suffit de réentendre pour en juger. On avait raison ou bien on avait tort, je ne me prononce pas parce qu’il me semble que j’ai mieux à faire comme chacun de nous à présent.

Yves Bonnet

Préfet honoraire, ancien directeur de la DST

Huffington Post, 14 janvier 2014

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