Internet devient aujourd’hui le lieu privilégié de banalisation des paroles racistes et antisémites. C’est bien dans la France de 2012 que l’on aime répertorier les juifs sur Internet. Et il semble bien que la France soit le pays où Google suggère le plus d’associer le mot juif à vos recherches. Internet via Google ne serait-il pas le reflet d’une certaine obsession française concernant l’influence supposée des juifs ” qui sont partout”?
En suggérant le terme “juif” à côté d’un grand nombre de personnalités, Google alimente les fantasmes sur l’omniprésence des Juifs dans les domaines de la finance et des médias notamment. Plus encore, en refusant de maitriser son service de suggestion, Google a donc constitué un fichier juif, un fichier qui serait interdit par la loi, donc.
En effet, depuis la loi Informatique et Liberté de 1978, il est interdit d’enregistrer et de conserver en mémoire des informations collectées sur un critère ethno-racial ou religieux sans l’accord des personnes concernées. C’est pour cette raison que nous avons décidé de porter plainte et que nous nous retrouverons face à Google ce mercredi au tribunal des référés.
Le refus de Google de s’adapter au droit français est bien le signe d’un doux parfum illusoire de liberté illimitée que respirent les internautes. Il a pour revers de permettre concrètement la liberté de diffusion quotidienne de contenus antisémites. Ainsi, la vitrine de la modernité côté pile, est devenue celle du négationnisme et des pires atrocités côté face. On organiserait au nom du droit fondamental la dernière zone de non-droit où continuerait d’être diffusé des contenus interdits partout ailleurs.
Surveiller, en aval, à la carte, ce n’est que suturer, cautériser imparfaitement la plaie béante et multiforme qu’approfondissent chaque jour les cyber-prêcheurs de haine sous couvert d’anonymat. En prenant cette responsabilité, nous devenons au mieux les éboueurs du net, au pire ses urgentistes. Surveiller en amont reviendrait, au contraire, à prévenir ce type de dérives.
C’est dans un tribunal américain que nous avions à l’époque contraint Yahoo à ne plus vendre d’objets nazis aux internautes français. Jugement surprenant pour une justice réputée avoir une vision très différente de la nôtre concernant la liberté d’expression. Ne nous laissons pas prendre au piège en ayant peur de donner l’image d’Européens réactionnaires, moralistes et réducteurs de libertés.
En ces temps de crise, on nous demande de comprendre que ces bruits d’Internet ne sont qu’un symptôme acceptable de la libération de la parole. Alors qu’ils ont plutôt le parfum nauséabond des dérives totalitaires qui s’en prennent à des boucs émissaires.
Nous devons lutter contre ce bruit assourdissant. Et dans ce combat, nous ne devons nous interdire ni de dire, ni de faire interdire.
Jonathan Hayoun, président de l’UEJF, 30 avril 2012 (Huffington Post)