Certains sites militants vont jusqu’à parler de “plan de sauvetage du judaïsme français”. Mais, pour le gouvernement Netanyahou, il s’agit seulement de faire venir en Israël de plus en plus de juifs originaires de France. Pour ce faire, un plan visant à attirer d’ici à 2017 quelque 42 000 juifs français doit être mis en place. Parmi les mesures phares, une reconnaissance des diplômes français concernant les professions médicales et paramédicales – optométristes, opticiens, physiothérapeutes – et celle de conseiller fiscal.
“Le manque de reconnaissance des diplômes dans ces domaines est un frein puissant à l’immigration”, affirme Ariel Kandel, responsable de l’Agence juive en France, qui ajoute : “Dans les conditions actuelles, je me retrouve bien souvent dans la nécessité de déconseiller à ceux qui exercent ces professions de faire leur alya (la montée, en hébreu, qui désigne l’immigration des juifs en Israël, NDLR).” Il est également prévu d’augmenter les aides financières à l’installation et à l’intégration des nouveaux venus, avec trois domaines privilégiés : la recherche d’emploi, le logement et l’éducation, y compris l’orientation scolaire des enfants.
Antisémitisme et crise économique
Reste la question du jour : pourquoi le gouvernement israélien a-t-il décidé de cibler en particulier les juifs français ? La réponse se trouve dans les chiffres de l’immigration pour 2013. À la rubrique “juifs français”, on note un véritable bond en avant : + 63 % par rapport à 2012, soit 3 120 personnes contre 1 916 l’année précédente. Un tel nombre de départs de France pour Israël, cela ne s’est vu qu’à quatre reprises depuis la création du pays, en 1948.
La dernière fois, c’était en 2005, où on avait enregistré 2 950 départs. Selon les médias israéliens, pas de doute : c’est l’augmentation des actes antisémites et la crise économique qui expliquent ce phénomène. Certains hauts fonctionnaires chargés de l’immigration et de l’intégration mettent aussi en avant les voyages en Israël, organisés dans le cadre des programmes Taglit et Masa, dont le but est de familiariser les jeunes de la diaspora à la vie dans le pays tout en renforçant leur identité juive. Il est donc question de permettre à la jeunesse juive de France un meilleur accès à ces programmes.
Baisse globale de l’immigration vers Israël
Mais tout cela ne doit pas cacher la baisse globale de l’immigration à destination d’Israël. Au total, en 2013, ce sont seulement 19 200 juifs du monde entier qui se sont installés de ce côté-ci de la Méditerranée, avec une nette diminution de l’alya en provenance du continent nord-américain (États-Unis, Canada) et de Grande-Bretagne : respectivement – 11 % et – 27 %. Et même quand il y a eu une hausse, comme pour les originaires d’Amérique latine, de Nouvelle-Zélande et d’Australie, les chiffres sont infimes : 1 240 et 265 nouveaux arrivés. Finalement, ce sont encore ceux qui viennent de l’ex-Union soviétique qui fournissent le plus gros contingent avec, en 2013, 7 520 installations.
Mais cela n’a plus rien à voir avec le million d’arrivées du début des années 1990. “L’ère de l’alya de masse est derrière nous”, avaient affirmé, il y a quelque temps, les responsables de l’Agence juive. Ce qui, au vu des activités récentes de cette institution, semble s’être traduit par un changement de politique destiné à renforcer l’identité juive sur place plutôt que d’encourager l’immigration. Comme en France où, il faut le savoir, l’Alya concerne moins de 1 % de la population juive. En effet, quand ils décident de partir, les juifs français privilégient la Grande-Bretagne, les États-Unis ou le Canada. Alors, choisiront-ils Israël si le lien identitaire est renforcé ? Le débat est à l’ordre du jour.
Le Point, 3 janvier 2014.