BOBIGNY, 13 nov 2013 (AFP) – – La justice a ordonné mercredi, en référé, l’interdiction pour antisémitisme d’un livre édité par l’essayiste proche de l’extrême droite Alain Soral, une décision rare, et la censure partielle de quatre autres.
“L’Anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme” de Paul-Eric Blanrue, édité en 2013 et vendu sur le site internet des éditions Kontre Kulture, devra être retiré de la vente “dans un délai d’un mois”, selon une décision du tribunal de Bobigny, consultée par l’AFP.
Certains passages de quatre autres ouvrages du XIXe et du XXe siècle, republiés par Alain Soral, “La France juive” d’Edouard Drumont, “Le salut par les juifs” de Léon Bloy, “Le juif international” d’Henry Ford et “La controverse de Sion” de Douglas Reed devront être retirés.
La justice reproche à ces ouvrages les délits “d’injure envers une groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée”, de “négation de crime contre l’humanité” et de “provocation à la haine raciale”.
La maison d’édition et Alain Soral sont également condamnés à verser, “à titre de provision”, 8.000 euros à la Licra, ainsi qu’à payer une partie des frais de justice. Lors de l’audience le 27 septembre, la Licra avait demandé 20.000 euros de dommages et intérêts par ouvrage.
“On est dans la lettre de cachet”, “la Licra décide qui a le droit d’éditer des livres ou non”, a réagi Alain Soral, affirmant à l’AFP qu’il avait l’intention de faire appel. “On ne peut pas interdire d’éditer des textes historiques à la demande d’une association qui ne représente qu’elle-même”, a-t-il ajouté.
“Le pouvoir inique qui dirige la France essaie de me punir par tous les moyens” a ajouté ce proche de Dieudonné, affirmant que le but de la décision et de la sanction financière était de le “mettre à mort”, ainsi que sa maison d’édition, une entreprise qui a dégagé un chiffre d’affaires de 640.400 euros pour un bénéfice net de 64.300 euros, selon le registre du commerce.
‘Une décision très très rare’
La Licra s’est réjouie de son côté de cette décision “qui a un côté rafraîchissant et assainissant”, selon son secrétaire général Roger Benguigui. “Il s’agissait de pointer des initiatives prises par des gens d’extrême droite pour relégitimiser des théories racialistes”, a-t-il déclaré à l’AFP.
L’interdiction d’un livre est une décision “très très rare”, qui “n’existait plus depuis quelques années”, a relevé l’avocat spécialiste du droit de la presse Yves Baudelot. “C’est assez rare, mais pas très surprenant au regard de la nature du message” du livre, c’est-à-dire l’antisémitisme, a ajouté son confrère Basile Ader.
Présenté par son éditeur comme un “manuel d’éducation civique non-conformiste” , l’ouvrage de Blanrue compile en 321 pages des centaines de propos antisémites tenus par diverses personnalités dans l’Histoire.
Son auteur en avait publié une première version en 2007, aux éditions Blanche, un éditeur d’ouvrages érotiques. Elle était préfacée par Yann Moix, qui vient de décrocher le prix Renaudot, et n’avait pas été condamnée par la justice.
Lors de l’audience de septembre, l’avocat d’Alain Soral, Me Lahcène Drici, avait insisté sur le caractère “pédagogique” de ces rééditions, un argument balayé par la Licra qui fustigeait une attitude “purement provocatrice”.
Selon M. Soral, les ventes de ces ouvrages, proposées sur le site de Kontre Kulture mais que l’on trouve aussi sur Amazon par exemple, sont restées confidentielles, à quelques centaines d’exemplaires.
Alain Soral n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice et a notamment été condamné vendredi à 2.500 euros d’amende pour avoir diffamé le maire de Paris Bertrand Delanoë.
AFP, Mercredi 13 novembre 2013