Note sur les Camps de l’Opération Reinhard,
Voyage de la memoire, 2004, Union des Etudiants Juifs de France :
Aktion Reinhard (ou Opération Reinhard)
Sous le nom d’Opération Reinhard, on désigne l’opération d’anéantissement des Juifs du « Gouvernement Général », partie orientale de la Pologne non incorporée au Reich. Il comprenait les districts de Varsovie, Cracovie, Lvov, Lublin et Radom. Le Gouvernement allemand évaluait sa population à 2 284 000 Juifs. Himmler en confia la direction au Général SS Odilo Globocnik. Sous son autorité furent construits trois camps d’extermination, Belzec, Sobibor et Treblinka. Environ 1 750 000 Juifs y furent exterminés en 1942 et 1943, dans des chambres à gaz alimentées par des gaz d’échappement de moteurs surpuissants. C’est en « hommage » à Reinhard Heydrich (chef de l’Office de Sécurité du Reich, et en charge, jusqu’à sa mort en 1942, de la Solution Finale, à savoir l’extermination des Juifs d’Europe) que l’Opération Reinhard a été ainsi désignée.
Trois camps, Belzec, Sobibor, et Treblinka devaient se trouver à proximité des voies de chemin de fer et situés dans des régions isolées, aussi loin que possible des centres de population. Ainsi, la terrible tâche qui leur avait été assignée pouvait-elle être accomplie sans attirer l’attention. De plus, de façon à donner un minimum de vraisemblance et de crédibilité à la couverture utilisée à savoir que les Juifs étaient censés être transférés « plus loin à l’Est », pour travailler, dans les territoires de l’Union Soviétique occupée les camps devaient être situés non loin de la frontière orientale du Gouvernement Général.
Il est important de comprendre que seul un minimum de prisonniers ont « vécu » dans ces camps et ils étaient directement employés à la structure d’extermination. Toutes les personnes envoyées dans ces camps étaient destinées à la mort immédiate. Il n’y avait donc aucune sélection (ou très rarement).
C’est pour cela qu’il n’existe pratiquement pas de survivants pour raconter l’histoire de ces camps. Les seuls survivants sont ceux qui sont parvenus à s’enfuir, à l’occasion notamment de révoltes. Par ailleurs ces camps ont très rapidement été démantelés et détruits par les Allemands eux-mêmes, pour ne laisser aucune trace. Ainsi, il ne reste aujourd’hui ni traces physiques ni survivants pour transmettre la Mémoire de ces camps, qui plus que tout autre symbolisent l’horreur de l’extermination de masse.
BELZEC
Belzec, a été le premier camp d’extermination construit dans le cadre de l’Aktion Reinhard. Il était situé dans le district de Lublin, proche de la frontière ukrainienne. La construction du camp d’extermination commença le 1er novembre 1940.
Le camp commença à fonctionner le 1er novembre 1941. Il était constitué de deux camps divisés en trois sections : la section administrative, la section (Kanada) comprenant les baraques et hangars où étaient entreposés les biens volés aux victimes, et enfin la section utilisée pour l’extermination. Il y avait à l’origine trois chambres à gaz en bois utilisant du monoxyde de carbone. Elles furent remplacées plus tard par six chambres à gaz construites en briques et en béton. Les exterminations par gaz commencèrent le 17 mars 1942 et se terminèrent en décembre de la même année.
Dans sa première phase d’activité, de mi-mars 1942 à mi-mai 1942, Belzec avait trois chambres à gaz construites en bois, et dont les murs étaient doublés et emplis de sable. Ces chambres à gaz étaient équipées de deux portes, une pour l’entrée des victimes, une autre pour l’évacuation des corps. Le monoxyde de carbone était produit par un moteur diesel installé au dehors. Une fois la chambre emplie de gaz, la mort survenait au bout d’environ 30 minutes. Les prisonniers juifs qui avaient été sélectionnés dans des transports précédant (les Sonderkommando) devaient alors évacuer les cadavres et les traîner vers les bûchers. D’autres équipes s’occupaient de récupérer les bijoux, les dents en or, etc… Sur les quais, une équipe s’occupait de rassembler et trier les bagages tandis que dans les vestiaires, une autre équipe triait les objets personnels et les vêtements. Le processus d’extermination d’un convoi durait environ trois heures.
A la mi-mai les transports cessèrent afin de permettre aux SS “d’améliorer” le processus d’extermination. Mi-juin, la construction de 6 chambres à gaz en béton commença, ce qui permit aux SS de gazer jusqu’à 1.200 victimes en une fois, ceci signifiant qu’un transport pouvait être divisé en deux parties au lieu de quatre précédemment. Les victimes étaient de plus déshabillées et rasées plus rapidement. Durand cette période, près de 1.000 juifs furent employés dans les équipes s’occupant des cadavres, biens, bagages, etc… Tous étaient assassinés après quelques semaines de travail. Ceux qui vivaient encore lorsque le camp fut fermé furent transférés à Sobibor et tués. Il n’y eu que quelques survivants.
On estime qu’environ 600.000 juifs furent gazés à Belzec ainsi que plusieurs dizaines de milliers de tziganes. Dans sa première période d’activité (de mi-mars 1942 à la mi-mai 1942), 80.000 juifs provenant des ghettos de Lublin, Lvov ainsi que de différente partie de la Galicie y furent tués. Dans la seconde période (de la mi-mai à décembre 1942) il fut procédé au gazage de près de 130.000 juifs venant de la région de Cracovie, de plus de 215.000 juifs de la région de Lvov ainsi que de nombreux groupes provenant des régions de Lublin et Radom.
SOBIBOR
Le deuxième camp, Sobibor, a été établi en mars 1942, près du village et de la gare de Sobibor, non loin de la ligne de chemin de fer Chelm-Wlodawa, au sein d’une forêt isolée dans une région marécageuse. Environ 700 travailleurs juifs furent mis au travail dans le camp.
Structure du camp
Le camp était organisé en trois zones :
- L’avant du camp, la zone « administrative » recevait la plateforme ferroviaire, ainsi que les quartiers des SS (20~30) et des Ukrainiens (90~120), responsables du camp.
- La zone de « réception » constituait la seconde partie. S’y déroulaient toutes les étapes qui précédaient chaque massacre : retrait des vêtements, récupération des cheveux des femmes, et dépossession de tout objet de valeur. la plupart des juifs étaient immédiatement envoyés aux chambres à gaz, les hommes les plus robustes étaient affectés à des équipes de travail, exclusivement composées de Juifs
- La troisième et dernière zone, la zone « d’extermination » hébergeait les chambres à gaz (chacune pouvant recevoir 160-180 personnes )et les baraques des prisonniers juifs (~1000).
Le principe du succès de l’extermination dans le camp consistait à cacher, jusqu’à ce que les portes hermétiques des chambres à gaz soient fermées, leur sort aux victimes. Ainsi, le camp était entouré de barbelés recouverts de végétation pour masquer ce qu’il s’y déroulait. De même, les zones de réception et d’extermination étaient reliées par un chemin de 150 mètres de long, 3 mètres de large et bordé de barbelés masqués par de la végétation. Les chambres à gaz avaient été conçues pour ressembler à des salles de douche ; en 20 à 30 minutes, tous étaient morts. Le gazage se faisait par monoxyde de carbone produit par des moteurs diesels. Les cadavres étaient ensuite retirés des chambres et brûlés dans des fosses spécialement conçues à cet effet. A l’origine, trois chambres à gaz utilisant du monoxyde de carbone produit par des moteurs diesel furent construites. Trois autres chambres à gaz furent ajoutées. Les opérations d’extermination commencèrent en avril 1942. Elles s’arrêtèrent suite à la révolte des prisonniers le 14 octobre 1943. Plus de 250.000 personnes, en grande majorité juives, furent exterminées à Sobibor.
Ils arrivaient à Sobibor par train et étaient débarqués sur les quais du premier camp. Les bâtiments construits à proximité des quai étaient conçus pour rassurer les victimes. Les déportés étaient séparés en fonction de leur sexe et de leur âge, les hommes d’une part, les femmes et les enfants d’autre part. Ils devaient remettre leur bagages, se déshabiller puis étaient dirigés vers les chambres à gaz. Les hommes étaient toujours gazés en premier. Le processus d’extermination prenait environ 20-30 minutes. L’extermination d’un convoi de 20 wagons prenait de 2 à 3 heures.
Entre août et septembre 1942, les gazages cessèrent afin de réparer les voies de chemin de fer menant à Sobibor. Le nombre de chambres à gaz passa à cette époque de 3 à 6. Ces nouvelles installations permirent aux SS de gazer jusqu’à 1.200 personnes à la fois, les corps étant toujours brûlés dans des fosses de crémation. Le camp, à présent sous le commandement de Franz Reichsleiter, repris les opérations de gazage en octobre 1942 et ce jusqu’au printemps 1943.
En mars 1943 arriva le premier convoi de juifs français. Entre mars et juillet 1943, 19 convois acheminèrent 35.000 juifs hollandais. Dans ses derniers mois d’activité, Sobibor fut également utilisé pour exterminer les populations de ghettos de Vilna, Minsk, et Lida.
En juillet 1943, Himmler, qui avait visité le camp en février, ordonna de transformer Sobibor en camp de concentration. Cet ordre signifiait l’arrêt de mort des équipes de prisonniers juifs qui travaillaient aux quais et aux chambres à gaz. Il était évident pour eux qu’étant témoins de l’extermination de dizaines de milliers d’innocents, les SS ne permettraient pas à un seul d’entre eux de rester en vie. Les prisonniers juifs décidèrent donc d’organiser un mouvement de résistance qui mena à la Révolte sous les ordres de Léon Feldhendler et Alexander Pechersky (juif prisonnier de guerre d’origine russe qui arriva au camp en septembre 1943).
La révolte éclata le 14 octobre 1943. Au cours du combat qui s’ensuivit, 11 SS ainsi qu’un certain nombre de gardes ukrainiens furent tués. Près de 300 prisonniers juifs s’évadèrent, mais des dizaines d’entre eux moururent dans le champ de mines entourant le camp et des dizaines d’autres furent repris dans les jours qui suivirent la révolte. En tout et pour tout, seul 50 prisonniers survécurent à la guerre. Le camp fut fermé en octobre 1943 et camouflé en ferme.
TREBLINKA
Treblinka, construit en 1941 pour servir de camp de travail forcé était situé à environ 80 km au nord est de Varsovie. Un peu moins d’un an après l’ouverture de ce camp qui sera connu plus tard sous le nom de Treblinka I, un second camp fut construit, camp qui deviendra très vite un outil majeur dans le plan d’extermination des juifs conçu par le Troisième Reich. Treblinka II, construit par des firmes allemandes employant des prisonniers juifs et polonais, devait servir de centre d’extermination pour les juifs d’Europe Centrale. Situé à environ 2 km du premier camp, Treblinka II devint très vite le principal centre d’extermination nazi. Dans son ouvrage, “la Destruction des Juifs d’Europe” l’historien Raul Hilberg rapporte que de nombreux Juifs du ghetto de Varsovie furent employés lors de la construction de ce second camp. Les premières opérations d’extermination commencèrent le 23 juillet 1942 lorsque l’évacuation du ghetto de Varsovie fut décidée. Dès cet instant, Treblinka II allait abriter la machinerie qui allait exterminer plus de 265.000 juifs de Varsovie. Opérant dans le plus grand secret, le camp était entouré d’une double enceinte barbelée et électrifiée, l’enceinte intérieure étant de plus camouflée par des branchages afin de mieux cacher les opérations en cours.
1 = Voie ferrée où arrivaient les trains de déportés.
2 = Bâtiment ayant l’apparence d’une gare.
Un grand écriteau accueille les déportés: « Juifs de Varsovie, attention ! Vous vous trouvez dans un camp de transit, d’où vous serez envoyés plus tard dans des camps de travail. Pour éviter des épidémies tous les vêtements et bagages doivent être soumis à la désinfection. L’or, l’argent, les devises seront remis à la caisse contre reçu. On vous les rendra plus tard sur présentation du reçu. Tous les nouveaux arrivés doivent avant de repartir prendre une douche de propreté corporelle. »
Extrait du jugement du Tribunal de Düsseldorf.
3 = Baraque où avait lieu le déshabillage des arrivants.
4 = Chambre à gaz.
5 = Lieu d’incinération des corps :
« C’est Floss qui a fait établir le dispositif de crémation. Des rails avaient été posés sur des blocs de ciment. On y entassait les cadavres. Sous les rails, on brûlait des résineux. On arrosait le bois d’essence. On ne brûlait pas seulement les cadavres des nouvelles victimes, mais aussi ceux qu’on retirait des fosses [où ils avaient été mis avant le début de 1943].»
Témoignage du SS Heinrich Matthes au procès de Düsseldorf
On remarque qu’il n’y a que très peu de bâtiments dans ce camp : ce n’était pas du tout un camp de travail, mais seulement un camp d’extermination.
Treblinka avait à l’origine trois chambres à gaz. Très rapidement, trois autres chambres à gaz furent ajoutées. Installées dans un bâtiment de briques, ces chambres à gaz étaient camouflées en salles de douche. Le gaz était envoyé par l’intermédiaire des pommeaux de douche installés au plafond. On faisait croire aux prisonniers qu’ils allaient être douchés afin de les désinfecter. Tous entraient par la même porte. Une fois entassés à l’intérieur de la chambre, un allemand criait “Ivan, l’eau!” et immédiatement un des gardes ukrainiens envoyait le gaz. Contrairement à une idée répandue, le gazage était lent et l’agonie des victimes pouvait durer jusqu’à 40mn. Dû à l’entassement extrême des victimes dans la chambre à gaz, il n’y avait aucune place pour bouger. Après que les cris se sont tus et que tous étaient morts, une équipe de prisonniers évacuait les corps par une porte située à l’opposé de la porte d’entrée. Les cadavres étaient alors examinés par des prisonniers afin de trouver d’éventuels bijoux ou valeurs dissimulés. Après cette ultime fouille, les corps étaient transférés vers des fosses communes. Lorsqu’en automne 1942 il ne fut plus possible d’enterrer les cadavres dans des fosses communes, les SS ordonnèrent que les corps soient exhumés, placés sur des rails et des billes de chemin de fer et brûlés. Dès que les cadavres étaient évacués, les chambres à gaz étaient nettoyées et préparées pour le gazage suivant.
Il y eu de nombreux actes de résistance à Treblinka. Les révoltes d’individus ou même de convois n’étaient pas exceptionnels et occasionnèrent la mort de plusieurs SS et gardes Ukrainiens. Un mouvement de résistance clandestin existait dans les deux camps. L’acte de résistance le plus important eu lieu en août 1943, après l’arrivée des derniers survivants de la révolte du ghetto de Varsovie. Un groupe d’une cinquantaine de prisonniers décida de voler des armes à l’armurerie du camp afin de détruire les installations et de permettre à un maximum de déportés de s’évader et de se cacher dans les forêts environnantes. Ce groupe tablait sur l’espoir que, dès que la rébellion aurait commencé, un grand nombre de prisonniers se joindraient à eux. Alors que l’opération débutait, les soupçons d’un SS forcèrent le groupe de résistants à déclencher la révolte plus tôt que prévu. Avant même que l’officier SS Kurt Kuttner ne puissent alerter les gardes les prisonniers ouvrirent le feu et incendièrent des baraques. Des centaines de prisonniers se ruèrent sur les enceintes barbelées et les forcèrent. La grande majorité d’entre eux fut tuée par les SS postés dans les miradors. Sur les 750 prisonniers qui tentèrent de s’échapper, seuls 70 d’entre eux survécurent à la guerre.
Majdanek
Majdanek ne fait pas partie des camps de l’Opération Reinhard. Cependant, comme Auschwitz, Majdanek est un camp mixte intégrant des chambres à gaz.
Le camp de Majdanek fut ouvert en octobre 1941, au sein du gouvernement général, près de Lublin mais il ne devient un camp d’extermination qu’en mars 1942. L’objet officiel du camp était de détruire les ennemis du troisième Reich.
Les premiers prisonniers arrivèrent à Majdanek en octobre 1941. Pendant deux ans et demi se succéderont des prisonniers de guerre soviétiques, détenus dans d’autres camps, des civils polonais, des agriculteurs Polonais, des non Juifs de Biélorussie et d’Ukraine ainsi que des Juifs de Pologne, d’Allemagne, Tchécoslovaquie, Pays-Bas, France, Hongrie, Belgique et de Grèce. Après le soulèvement du ghetto de Varsovie (avril 1943), des dizaines de milliers de Juifs furent déportés du Ghetto vers le camp.
Ce sont près de 500 000 personnes de 54 nationalités et 28 pays différents qui passèrent par Majdanek
En juillet 1944, la proximité de l’armée soviétique conduisit les Allemands à faire disparaître le camp en brûlant le grand crématorium (cf structure du camp) ainsi que les documents compromettants. 1000 prisonniers furent évacués ; la moitié d’entre eux atteint Auschwitz. Dans leur précipitation cependant, les Nazis n’eurent pas le temps de détruire les baraques ni les chambres à gaz. Deux mois après la libération du camp par l’Armée Rouge, une commission Soviéto-Polonaise rendit ses conclusions sur les crimes perpétrés à Majdanek. Pourtant, peu de personnes, parmi les 1300 ayant travaillé à Majdanek, furent traduites en Justice :
- En novembre 1944, six SS furent condamnés à mort (deux se suicidèrent avant l’exécution de la sentence)
- Entre 1946 et 1948, 95 SS furent jugés (7 peines de mort et 88 emprisonnements)
- Entre 1975 et 1980, 16 membres du camp furent jugés en Allemagne.
200 000 personnes y furent gazées, 360 000 victimes périrent à Majdanek (les proportions ne sont pas identiques selon les sources). Les historiens classent ce camp parmi les camps d’extermination dans la mesure où un certains nombre de prisonniers Juifs étaient envoyés dans les chambres à gaz dès leur arrivée au camp.
Majdanek fait aujourd’hui parti des camps les plus représentatifs des camps Nazi.
Structure du camp
Le camp était entouré d’une double clôture barbelée et électrique à haute tension. Les militaires pouvaient surveiller le camp du haut de 19 miradors et prévenir ainsi les tentatives d’évasion.
D’une capacité de 45 000 détenus, le camp était organisé en 5 sections comprenant :
- 22 baraques de prisonniers
- 7 chambres à gaz
- 2 potences en bois
- un premier crématorium puis un second, plus grand, ajouté en septembre 1943
Carte