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Vél’d’Hiv : M. Hollande réaffirme le rôle de la France

En 1995, Jacques Chirac y avait tenu un discours de rupture et de vérité. En 2012, François Hollande y aura tenu un discours de réaffirmation et de vigilance.

Dimanche 22 juillet, devant plusieurs centaines de personnes venues l’écouter au square des Martyrs juifs, sur les lieux mêmes de l’ancien Vélodrome d’hiver, quai de Grenelle à Paris, le président de la République avait au fond deux messages à transmettre. D’une part, la réaffirmation d’un propos historico-mémoriel posé avec force par son prédécesseur il y a dix- sept ans; l’actualisation des enjeux d’une commémoration qui n’avait pas été présidée par un chef de l’Etat depuis cette date, d’autre part. Deux phrases résument son propos.

La première est celle-ci : « La vérité, c’est que le crime fut commis en France, par la France. » La France, et non pas l’« autorité de fait dite «gouvernement de l’Etat français» », comme il était de tradition de qualifier le régime de Vichy jusqu’à ce que M. Chirac, le 16 juillet 1995, ne rompe avec la périphrase officielle utilisée depuis la guerre en déclarant que « la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable », à propos de la rafle du 16 juillet 1942, au cours de laquelle 13 000 juifs de Paris et de sa banlieue furent parqués au Vél d’Hiv avant d’être exterminés dans les camps nazis. Dix-sept ans plus tard, M. Hollande l’a rappelé : « Pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l’ensemble de cette opération. »

On l’oublie souvent, mais si M. Chirac se distingua de ses prédécesseurs en étant le premier à affirmer la responsabilité de la France dans la Shoah, il s’évertua aussi à célébrer la mémoire des « Justes ». Si l’un de ses premiers discours après son élection avait été celui du Vél d’Hiv, l’un de ses derniers fut celui du Panthéon. Là, le 18 janvier 2007, il avait rendu hommage à ceux qui sauvèrent des Juifs au péril de leur vie. « Notre histoire, il faut la prendre comme un bloc », avait-il affirmé ce jour-là.

C’est aussi cela, dimanche, qu’est venu réaffirmer M. Hollande en rendant « hommage à tous ces Français qui ont permis que survivent les trois quarts des Juifs de France ». La double reconnaissance, celle d’une « trahison » commise par l’Etat d’un côté, d’un « honneur » sauvé par quelques « héros anonymes » de l’autre : en un discours de dix-huit minutes, M. Hollande a fait la synthèse des prises de position mémorielles adoptées par M. Chirac au cours de ses douze années passées à l’Elysée.

« Il ne peut y avoir, il n’y aura pas, dans la République française, de mémoire perdue » : s’il est une seconde phrase à retenir du discours prononcé dimanche par le chef de l’Etat, c’est bien celle-là.

En 1995, la question ne se posait pas. « Les plus jeunes d’entre nous, j’en suis heureux, sont sensibles à tout ce qui se rapporte à la Shoah. Ils veulent savoir », avait déclaré M. Chirac. A l’époque, les procès passés de Klaus Barbie et Paul Touvier et celui à venir de Maurice Papon mettaient la Shoah à la « une » du journal de 20 heures, tandis que la jeunesse de François Mitterrand aiguisait la curiosité des Français pour les années noires.

En dix-sept ans, le climat a changé. Les polémiques mémorielles, en s’apaisant, ont ramené ce « passé qui ne passe pas », pour reprendre le titre d’un ouvrage de l’historien Henry Rousso publié en 1994, à une place plus discrète.

« C’est notre histoire »

Parallèlement, des professeurs – notamment dans les banlieues – ont fait part de leurs difficultés à enseigner ce chapitre de l’histoire. François Hollande leur a répondu : « La Shoah, ce n’est pas l’histoire du peuple juif, c’est l’histoire, notre histoire. Il ne doit pas y avoir un seul établissement où cette histoire-là ne soit pleinement entendue, respectée, méditée », a-t-il déclaré, en faisant référence à un récent sondage réalisé par Conseil supérieur de l’audiovisuel, selon lequel 42 % des Français ignorent ce qu’est la Rafle du Vél d’Hiv.

A travers cet engagement contre l’oubli, c’est aussi un autre engagement, contre l’antisémitisme cette fois, qu’a pris, dimanche, François Hollande. « L’antisémitisme n’est pas une opinion, c’est une abjection », a-t-il dit.

Sur ce point, le chef de l’Etat était attendu, notamment par Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et filles des déportés juifs de France, et Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France. « La République pourchassera avec la plus grande détermination tous les actes, tous les propos antisémites qui pourraient amener les Juifs de France à se sentir inquiets dans leur propre pays », leur a répondu le président.

Le propos, qui aurait pu paraître convenu en d’autres circonstances, prit un relief particulier quand, se référant à la tuerie de l’école Ozar Hatorah à Toulouse, il rappela qu’« il y a quatre mois, des enfants mouraient pour la même raison que ceux du Vél d’Hiv : parce qu’ils étaient juifs. »

Thomas Wieder, Le Monde Politique, 24 juillet 2012.

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