Interview de Sacha Ghozlan et Laura Layani dans 20 minutes lors de la Convention de l’UEJF

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Cinq ans après les tueries perpétrées au lycée juif d’Ozar Hatorah par Mohamed Merah, l’Union des étudiants juifs de France tenait ce week-end sa convention nationale dans la Ville rose. Quelques jours après la profanation de la stèle d’Ilan Halimi et du procès d’Abdelkader Merah, Sacha Ghozlan, le président de l’ UEJF, répond aux questions de 20 Minutes.

Cinq ans après les tueries perpétrées à l’école juive Ozar Hatorah, quel discours tenez-vous aux étudiants juifs, dont certains ont été tentés de partir ?

Ils ont fait le choix de rester, alors même qu’à Toulouse ils ont vécu de plein fouet un attentat terrible. C’est un choix fort, qui doit être soutenu. La tentation du repli est mortifère pour la communauté juive. Nous devons nous interroger sur la façon de protéger la République. Comment à partir d’Ozar Hatorah peut-on réarmer les République intellectuellement, réenchanter un idéal ? Nous devons combattre la dynamique de haine.

Comment avez-vous vécu le procès du frère de Mohamed Merah et son verdict ?

Cela a été douloureux, ça a rouvert une plaie. Il y aura un second procès et l’attente avant sa tenue va être aussi douloureuse. Nous estimons que ce jugement n’est pas abouti. Au même moment, il y a eu l’affaire des accusations de viols à l’encontre de Tariq Ramadan et certains ont accusé les juifs d’avoir comploté dans ce dossier. Il y a eu aussi la profanation de la stèle en hommage à Ilan Halimi à Bagneux. Cela relève d’un climat inquiétant et d’insécurité que ressentent les Français juifs.

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Selon le dernier rapport du ministère de l’Intérieur, les actes antisémites ont baissé l’an dernier. Est-ce que vous partagez ce constat ?

Il y a eu une baisse des actes antisémites de 59 % selon le ministère de l’Intérieur. Néanmoins, même si cette baisse est certainement réelle, cela ne prend pas en compte les gens harcelés ou encore agressés qui ne portent pas plainte. Il n’y a pas le décompte des mots haineux sur les réseaux sociaux, et des paroles aux passages à l’acte, il n’y a qu’un pas, comme cela a été le cas pour la profanation de la stèle ou encore l’agression de la famille Pinto à Livry-Gargan. Le combat contre l’antisémitisme est un combat pour la République, ce n’est pas l’affaire que des juifs, mais de tous les citoyens.

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Quelles actions concrètes peut-on mener contre la montée de l’antisémitisme ?

Il faut prendre le mal à la racine, en allant dans les collèges et lycées. Nous allons dans les classes avec SOS Racisme dans le cadre de Coexist afin de déconstruire les préjugés sur les juifs, les arabes, les noirs. On entend la parole des jeunes et nous travaillons sur les représentations qu’ils peuvent avoir. Les plus jeunes n’ont souvent pas la capacité de hiérarchiser les informations qu’ils voient sur Internet. Quand ils font une recherche sur la Deuxième Guerre mondiale, ils vont tomber aussi bien sur celles du Mémorial de la Shoah que sur celles de Faurisson. Nous avons réalisé ainsi 300 interventions sur tout le territoire et nous serons à Toulouse en février.

Est-il réellement possible de lutter contre l’antisémitisme sur les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux sont un formidable outil de communication mais certains l’utilisent pour propager la haine. Les grandes entreprises d’Internet, qui utilisent des moyens considérables pour les droits d’auteur ou lutter contre la pédopornographie, pourraient le faire pour la lutte contre l’antisémitisme.

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Lorsque vous tapez Shoah dans YouTube, vous tombez sur des vidéos de Dieudonné et de Robert Faurisson. La loi leur impose de supprimer les contenus à caractère raciste et antisémite. Ces plateformes ont un rôle social à jouer.

Allez-vous en justice lorsque ce n’est pas le cas ?

Nous avons remporté un procès contre Twitter en 2013. La société refusait de supprimer des contenus haineux, ce que nous avons obtenu, ainsi qu’ils fournissent au parquet les adresses IP de ceux qui les propageaient. Mais notre grande victoire a été leur condamnation à mettre en place une plateforme de signalement. L’an dernier, nous avons réalisé avec SOS Racisme et SOS Homophonie un testing pour évaluer la capacité de ces équipes de signalement.

Qu’est-ce qu’il en ressort ?

Sur les 600 contenus signalés, seuls 4 % ont été supprimés sur Twitter, 7 % sur YouTube et 34 % sur Facebook. Ce sont des chiffres inquiétants. On ne demande pas une censure, mais on parle d’enjeux de société. Cela donne un sentiment d’impunité et de toute puissance chez certains qui font commerce de cette haine. Le site d’Alain Soral est consulté 8 millions de fois par mois, c’est plus que celui des Inrocks.

Comment pouvez-vous agir face à ce repli identitaire ?

Le FN et les islamistes ont le même discours identitaire qui recherche des ennemis. Et leur ennemi commun, c’est la République, la démocratie qui protège les identités et les minorités. Notre combat contre le FN est vital.

 

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