Compte-Rendu de la délégation UEJF en Grèce

Du 14 au 16 décembre 2012, une délégation de l’Union des Étudiants Juifs de France s’est rendue en Grèce afin de rencontrer la communauté juive athénienne et de participer à une marche silencieuse à l’appel de l’EGAM (European Antiracist Grassroots Movement) destinée à protester contre l’entrée le 6 mai dernier du parti néo-nazi et négationniste Aube Dorée au Parlement grec ainsi que contre la nomination de la députée néo-nazie Eleni Zaroulia dans la délégation grecque au Conseil de L’Europe.

La délégation de l’UEJF était composée de Jonathan Hayoun, Président de l’UEJF, Nicolas Woloszko, Trésorier de l’UEJF, Sacha Ghozlan, Délégué National au Consiel Parisien, Ortal Amsellem, Co-président de la section UEJF Strasbourg et Lucie Pillet, Présidente de la section UEJF Lille.

Dès notre arrivée, nous rencontrons M. Benjamin Albalas, Président de la communauté juive athénienne qui nous accueille dans la grande synagogue d’Athènes à l’occasion de l’allumage de la septième bougie de Hannouca. Participent à cet office des fidèles, ainsi que des enfants scolarisés dans la seule école juive d’Athènes, accompagnés de leurs parents. A l’issue de l’office, nous nous entretenons avec M. Albalas qui nous rapporte que la situation financière du pays a durement frappée les grecs et que l’accession au Parlement du parti néo-nazi et négationniste Aube Dorée contribue fortement à développer l’inquiétude de la communauté juive de Grèce composée d’environ 4 000 personnes. Selon lui, les cadres d’Aube Dorée se contentent « pour l’instant » d’agresser les immigrés, sans s’attaquer physiquement à la communauté juive. Il ne s’agit, pour lui, « que » de discours ouvertement antisémites, comme l’illustre la lecture du Protocole des Sages de Sions, lors d’une séance parlementaire sans qu’aucune réaction des députés grecs n’ait été entendue. Nous apprenons alors que, malgré la gravité des événements qui frappent le pays, M. Albalas ne pourra être présent à la marche silencieuse organisée le lendemain du Parlement à l’Acropole et que, si les représentants de la communauté y participent, ce sera à titre purement individuel, pour des “raisons de sécurité”.

M. Albalas nous présente ensuite à Mike Matsas, président de l’association des étudiants juifs d’Athènes qui nous guide au centre communautaire Gostijo. Ce centre est géré par Mendel et Nehama Hendel, émissaires du Rabbi Loubavitch à Athènes, qui ont transformé cette ancienne boîte de nuit, rachetée au plus fort de la crise, en centre communautaire faisant office de seul restaurant Cacher du pays. Au cours du repas de Chabbat, nous discutons avec Mike, qui nous expose les objectifs de son association. Il s’agit principalement de rassembler les étudiants juifs d’Athènes autour d’activités tels que des Chabbat pleins ou des cours de Torah. Jonathan Hayoun, président de l’UEJF, interpellé par l’aspect strictement communautaire de son association à l’heure où le pays traverse une crise politique, sociale et économique sans précédent, l’interroge sur l’opportunité de se positionner publiquement contre le parti Aube Dorée et de mobiliser la société civile.

Selon Mike, son association n’est pas en mesure porter une parole publique comme le fait l’UEJF dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Mendel et Nehama interrompent le dîner afin de donner la possibilité à chacune des 60 personnes présentes ce soir de se présenter. Le Rav Hendel prend la parole à l’issue du tour de table et rappelle la symbolique de Hannouca : allumer de la lumière, source d’espoir dans un monde qui peut être rempli d’obscurité. Sa femme, Nehama, fille du Rosh Yeshiva de la Yeshiva de Brunoy, se montre plus explicite et invite vivement l’ensemble des convives à se rendre le lendemain à la marche silencieuse du Parlement à l’Acropole.

Plus tard dans la soirée, celle-ci, consciente de la menace portée par Aube Dorée nous avoue son désarroi et son impuissance mais sa volonté d’agir dans un pays frappé par une crise sociale et une perte de confiance à l’égard des politiques qui expliqueraient la montée des partis extrémistes. En nous raccompagnant à l’hôtel, Mike, très amical, nous remercie de notre présence et manifeste sa volonté de tisser des liens forts avec notre organisation pour laquelle il montre beaucoup d’admiration.

Le lendemain, après l’office de Chabbat, nous apprenons que deux des organisateurs de la marche ont été arrêtés par la police en sortant de leur hôtel et que les banderoles qu’ils avaient amenées depuis la France spécialement pour la marche leurs ont été confisquées au commissariat. Conscients de la complaisance des policiers grecs avec le parti néo-nazi, nous arrivons alors sur la place du Parlement, où se sont donnés rendez-vous 1 500 citoyens grecs, membres d’associations d’immigrés et militants antiracistes européens. Ici, se prépare la marche, se distribuent les panneaux appelant à stopper immédiatement le racisme, sous l’œil de badauds venus faire leurs courses de fin d’année, sur fond de chants de Noël.

Au milieu de la foule réunie, un homme s’approche du cœur du cortège et déchire des pancartes sur lesquelles étaient inscrites les slogans de la manifestation puis s’enfuit. Pendant ce temps, des personnalités politiques rejoignent la place du Parlement provoquant le déplacement de nombreux journalistes venus couvrir l’évènement. Nous nous dirigeons tous jusqu’à l’Acropole sous une grande banderole « Europe against Neo-Nazism » que nous espérions ne jamais avoir à brandir dans la cité athénienne, berceau de la démocratie occidentale.

Quelques heures plus tard, nous sommes conviés à un allumage de la dernière bougie de Hannouca devant la grande synagogue d’Athènes à l’issue de l’office de Chabbat. Ce soir, les enfants de l’école juive et leurs parents ne sont pas présents, seuls les fidèles et les représentants de la communauté juive se sont déplacés. Après les discours des responsables de la communauté juive d’Athènes et du bureau central des communautés juives de Grèce qui rappellent en grec, l’importance de se mobiliser contre Aube Dorée, la parole est donnée à Son excellence, M. L’ambassadeur d’Israël en Grèce. Celui-ci, accentue son propos sur la force du peuple juif, ne reculant devant aucune menace.

Nous rencontrons ensuite Mme Dona-Lilian Capon, Secrétaire Général du Bureau Central des Communautés Juives de Grèce qui, dans un français impressionnant, nous questionne sur le déroulement de la marche silencieuse, et nous fait part son histoire personnelle. Elle témoigne alors de la terrible réalité des juifs grecs après la Shoah dans la région de Salonique, où 96% des juifs ont été déportés puis exterminés. Elle évoque le combat de sa vie qui a consisté à transmettre coûte que coûte la mémoire de la Shoah dans un pays où le processus de dénazification n’a pas eu lieu après la guerre et où la transmission de la mémoire de la Shoah n’a pas pu être effectuée.

Finalement, avant de nous rendre à l’aéroport, nous demandons à notre taxi de nous guider dans les quartiers pauvres d’Athènes. Ici, la parole politique s’inscrit sur les murs, qui sont recouverts de symboles anarchistes ou de croix celtiques selon la prédominance des groupes qui habitent le quartier la nuit. Passants par des ruelles étroites, nous sommes interpellés par la réalité économique et sociale de ces sans abris et prostituées qui se retrouvent seuls et démunis, aux yeux de tous, la nuit tombée. A mesure que nous nous approchons du quartier dans lequel se trouve le QG du parti Aube Dorée nous apercevons davantage de croix gammées.

Cette marche silencieuse fût une première en Grèce, et elle a finalement conduit le premier ministre grec à annoncer l’exclusion des néo-nazis de la délégation parlementaire grecque du Conseil de l’Europe.

Nous rentrons à Paris, déterminés par ces rencontres et par la marche à laquelle nous avons participé, qu’une mobilisation plus importante contre le néo-nazisme doit être initiée en Grèce et qu’il est crucial de ne pas abandonner la transmission de la mémoire de la Shoah dans ce pays accablé par des crises successives.

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