Après les fusillades de Copenhague, un rassemblement à Paris pour dénoncer « de nouvelles formes de fascisme »

Rassemblement Hommage Danemark

 

Environ 300 personnes, selon une source policière, se sont rassemblées, dimanche 15 février en fin d’après-midi, devant l’ambassade du Danemark, dans le 16e arrondissement de Paris. Elles répondaient à l’appel lancé par le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), de SOS Racisme et l’Association française des victimes du terrorisme pour rendre hommage aux victimes des attentats survenus à Copenhague, samedi 14 février.

Deux personnes, un réalisateur danois, Finn Nørgaard, et un bénévole de confession juive qui surveillait une synagogue, Dan Uzan, sont mortes. Le tueur présumé, qui, d’après les services de renseignement danois, aurait été influencé par « la propagande islamiste », a été abattu par la police, dimanche.

Un mouvement de recueillement auquel s’est joint le chef de l’Etat français,François Hollande, qui s’est rendu à l’ambassade du Danemark pour « exprimerla solidarité de la France à l’égard du peuple danois ». M. Hollande s’est entretenu avec l’ambassadrice, avant de faire une déclaration, expliquant notamment qu’il existe, entre la France et le Danemark, « la même volonté pour résister, combattre et pour vaincre le terrorisme. »

Lire notre synthèse : Ce que l’on sait des deux fusillades de Copenhague

FRATERNITÉ ET SOLIDARITÉ

« Je ne pensais pas devoir ressortir aussi vite ma pancarteJe suis Charlie’… », soupirait une participante (qui n’a pas communiqué son nom) au rassemblement parisien. Quelques bougies et bouquets de fleurs déposés devant l’immeuble de l’ambassade incitaient au recueillement et à la gravité.

Thomas Hannebique, 27 ans, fonctionnaire au ministère de la culture, brandissait sur une feuille de papier une citation du stratège grec Périclès : « Il n’y a point de bonheur sans liberté ni de liberté sans courage. » Comme beaucoup, il est venu « pour soutenir le peuple danois, attaché à la tolérance. Les Danois nous ont soutenus en janvier [après les attentats des 7, 8 et 9 janvier à Paris et à Montrouge], il était normal pour moi d’être ici. » Pour Hélène Bah-Ostrowiecki, 50 ans, enseignant-chercheur, « la fraternité et la solidarité démocratique sont l’essence de ce qu’on a à opposer face à ce qui se passe ».

« ÊTRE DANS LA RUE NE SUFFIT PAS »

De nombreux représentants de la communauté juive étaient présents, mais aussi l’imam d’Auxerre, Rachid Birbach. Roger Cukierman, président du CRIF, déplore qu’ « après le Moyen-Orient et l’Afrique, le djihadisme développe son action en Europe. La Belgique, la France et maintenant le Danemark… Les cibles sont toujours les mêmes, les juifs ». « Mais, nuance-t-il, il ne faut pasoublier que les musulmans sont les victimes de ces fous d’Allah. »

Président de l’UEJF, Sacha Reingewirtz a fait part de son émotion. « Je pense fort à tous les bénévoles qui, comme Dan Uzan, protègent les lieux de culte et aux forces de l’ordre, a-t-il déclaré. C’est important de se battre contre tous ceux qui voudraient faire partir les juifs. Mais être dans la rue ne suffit pas, il faut faire de la pédagogie, de la prévention. La question, c’est de savoir quels moyens on se donne pour arrêter les idéologies meurtrières. »

Des manifestants en hommage aux victimes des attentats de Copenhague, le 15 février à Paris.

« DE NOUVELLES FORMES DE FASCISME »

Dans le rassemblement, plusieurs personnalités politiques, notamment du Parti socialiste, qui a appelé par ailleurs à une manifestation le lendemain, lundi 16 février, à 18 heures devant l’ambassade, ont fait le déplacement. « Je suis désespéré, abattu, a confié le président du conseil général de l’Essonne (PS) Jérôme Guedj. Mais il faut réagir et commencer par désigner l’adversaire, l’islamisme, vis-à-vis duquel il y a une certaine complaisance d’une partie de la communauté nationale, comme on l’a vu [à l’occasion des incidents dans certaines écoles] lors de la minute de silence. » Pour le sénateur (PS, Paris) David Assouline, « l’école, les intellectuels, les médias doivent clairement désigner ces actes comme antisémites. »

Touché par l’atteinte à la liberté d’expression et aux caricaturistes – l’attentat de Copenhague a eu lieu pendant un débat sur le blasphème au centre culturel Krudttønden -, le médecin urgentiste et chroniqueur à Charlie Hebdo Patrick Pelloux a déclaré que « nous [étions] face à de nouvelles formes de fascisme »et a appelé à « la cohésion » et à adresser « des messages de paix de tous les religieux et des laïcs ». A ses yeux, « les journalistes et les caricaturistes doivent continuer à faire leur travail. Et si ça ne plaît pas, il y a des tribunaux. »L’urgentiste se rendra lundi 16 février à Copenhague avec la délégation de la maire de Paris Anne Hidalgo.

L’écrivain et journaliste Mohamed Sifaoui s’est dit « très remué de revivre sur le sol français ce qu'[il a] vécu en Algérie dans les années 1990 » – la vague d’attentats islamistes -, tout en n’étant « pas surpris par ce basculement idéologique, à l’oeuvre depuis plus de quinze ans. Il faut poser le bon diagnostic : il s’agit d’une crise à l’intérieur de l’islam. Il va falloir apprendre à vivre avec ce danger. »

LeMonde.fr, 16 février 2015

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